S'il avait pu en tenir un au coin d'une rue, dans l'ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi, sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manoeuvres.
Et il se rappelait ses deux années d'Afrique, la façon dont il rançonnait les Arabes dans les petits postes du Sud. Et un sourire cruel et gai passa sur ses lèvres au souvenir d'une escapade qui avait coûté la vie à trois hommes de la tribu des Ouled-Alane et qui leur avait valu, à ses camarades et à lui, vingt poules, deux moutons et de l'or, et de quoi rire pendant six mois.
On n'avait jamais trouvé les coupables, qu'on n'avait guère cherché d'ailleurs, l'Arabe étant un peu considéré comme la proie naturelle du soldat.
A Paris, c'était autre chose. On ne pouvait pas marauder gentiment, sabre au côté et revolver au poing, loin de la justice civile, en liberté, il se sentait au coeur tous les instincts du sous-off lâché en pays conquis.

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Elle hurla, décoiffée, la bouche grande ouverte, les yeux fous :
"Tu as couché avec!"
Il la lâcha et lui lança par la figure un tel soufflet qu'elle alla tomber contre le mur. Mais elle se retourna vers lui, et, soulevée sur ses poignets, vociféra encore une fois:
"Tu as couché avec!"
Il se rua sur elle, et, la tenant sous lui, la frappa comme s'il tapait sur un homme.
Elle se tut soudain et se mit à gémir sous les coups. Elle ne remuait plus. Elle avait caché sa figure dans l'angle du parquet de la muraille, et elle poussait des cris plaintifs.
Il cessa de la battre et se redressa. Puis il fit quelques pas par la pièce pour reprendre son sang-froid; et, une idée lui étant venue, il passa dans la chambre, emplit la cuvette d'eau froide, et se trempa la tête dedans. Ensuite il se lava les mains, et il revint voir ce qu'elle faisait en s'essuyant les doigts avec soin.
Elle n'avait point bougé. Elle restait étendue par terre, pleurant doucement.

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