LE STATUT DU "HÉROS" DANS LE ROMAN NATURALISTE

Extrait de : Guy Larroux / Le réalisme / Nathan-Université

La question de la place et du relief qu'il faut accorder au personnage se pose surtout à la génération de Flaubert et de Zola. Chez Balzac et chez Stendhal, le personnage a sa place réservée, soit comme source d'un projet soit comme conscience particulière autour desquelles le réel s'organise. En revanche, la neutralité naturaliste s'accorde assez mal avec le principe de différenciation que suppose le héros. Le roman naturaliste " fatalement tue le héros ", observe Zola. En effet, il le tue au sens où le roman tel qu'il l'entend s'interdit les procédés qui recommandent traditionnellement le héros à l'attention du lecteur. Refus du héros et refus du romanesque vont de pair.
De là, un affaiblissement des qualifications de ce héros. Il suffirait de mettre en parallèle l'énergie de Rastignac et la veulerie de Frédéric Moreau (personnage principal de L'éducation sentimentale de Flaubert); ce dernier paraît morcelé, n'exister souvent que comme regard.


Extrait de : Gérard Gengembre / Réalisme et Naturalisme / Mémo / Seuil

" Le premier homme qui passe "
Contre le héros romanesque traditionnel, les réalistes privilégient, à partir des années 1850, le personnage principal, fil conducteur, privé, au moins en partie, des qualités, attributs, privilèges et prestiges du héros défini comme un Rastignac ou un Julien Sorel. Il s'agit de combattre le lyrisme, quitte à céder le pas à la médiocrité. D'une part l'héroïsme romantique est mort, d'autre part la prétention scientifique impose le refus de l'exception. A la recherche du type moyen s'ajoutent la prise en compte de la démocratisation sociale et le principe de l'ouverture du personnel romanesque à toutes les classes. Cela n'exclut pas les déviations et dérives, bien au contraire.
Le personnage est également réduit à une somme d'impressions et d'affects. (…)

La bête humaine
Étudier l'homme comme on dissèque un animal va de pair avec le fait de montrer que l'homme porte en lui une part de bestialité irrépressible. Contre l'idéalisation mutilante, l'homme doit être naturalisé. Ainsi la mise en scène des appétits sous toutes leurs formes devient-elle un mode de présentation nécessaire des personnages et de dynamisation de l'action, de même qu'une métaphore générale de l'activité humaine.
Le corps zolien a pour lieu organique d'élection le ventre, celui de tous les appétits vitaux, sexe et nourriture. Source de vie, cause de perdition et de mort, réceptacle, origine, cause de violence ou d'épuisement, le ventre est au centre de l'univers zolien. Plus généralement, le désir occupe une place capitale dans les oeuvres des écrivains naturalistes (...).
Ce n'est pas par goût de la provocation ou de la vulgarité que le naturalisme insiste aussi fortement sur le corps, mais par volonté de traiter de l'être humain dans toutes ses dimensions et de montrer un principe fondamental en action dans la vie et l'histoire. Il s'agit d'une poétique matérialiste.