" Le premier homme qui
passe "
Contre le héros romanesque
traditionnel, les réalistes privilégient, à partir
des années 1850, le personnage principal, fil
conducteur, privé, au moins en partie, des
qualités, attributs, privilèges et prestiges du
héros défini comme un Rastignac ou un Julien Sorel.
Il s'agit de combattre le lyrisme, quitte à
céder le pas à la médiocrité. D'une part
l'héroïsme romantique est mort, d'autre part la
prétention scientifique impose le refus de
l'exception. A la recherche du type moyen s'ajoutent
la prise en compte de la démocratisation sociale et
le principe de l'ouverture du personnel romanesque à
toutes les classes. Cela n'exclut pas les déviations
et dérives, bien au contraire.
Le personnage est également réduit à une somme
d'impressions et d'affects. (
)
La bête humaine
Étudier l'homme comme on dissèque un animal va de
pair avec le fait de montrer que l'homme porte en lui
une part de bestialité irrépressible. Contre l'idéalisation mutilante,
l'homme doit être naturalisé. Ainsi la mise en
scène des appétits sous toutes leurs formes
devient-elle un mode de présentation nécessaire des
personnages et de dynamisation de l'action, de même
qu'une métaphore générale de l'activité humaine.
Le corps zolien a pour lieu organique d'élection le
ventre, celui de tous les appétits vitaux, sexe et
nourriture. Source de vie, cause de perdition et de
mort, réceptacle, origine, cause de violence ou
d'épuisement, le ventre est au centre de l'univers
zolien. Plus généralement, le désir occupe une
place capitale dans les oeuvres des écrivains
naturalistes (...).
Ce n'est pas par goût de la provocation ou de la
vulgarité que le naturalisme insiste aussi fortement
sur le corps, mais par volonté de traiter de l'être
humain dans toutes ses dimensions et de montrer un
principe fondamental en action dans la vie et
l'histoire. Il s'agit d'une poétique matérialiste.