CANDIDE / CHAPITRE XXX (FIN DU CONTE)

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QUESTION D’ORAL 

Sur quelle image de Pangloss Voltaire a-t-il souhaité nous laisser à la fin du conte ?

Introduction.

·        Expliciter la problématique : Pangloss est très présent dans ces dernières pages, comme il l’était dans les premières. Pangloss représente dans le conte l’adversaire philosophique : le disciple de Leibnitz, l’optimiste. Toute l’aventure vécue par les personnages a été imaginée pour réfuter sa façon d’interpréter le monde. D’où la problématique : où en est Pangloss à la fin du conte ? a-t-il compris la leçon et, dans le cas contraire, comment Voltaire lui administre-t-il sa correction finale ? Réponse : à la fin du conte, le lecteur s’aperçoit que Pangloss est incapable d’évolution, il n’a rien appris, rien compris. Le dénouement choisi par Voltaire est conçu pour montrer  (entre autres)  l’incorrigible sottise de son personnage (et de ceux qu’il symbolise) :

·        Annoncer le plan :

1)      Il est toujours aussi bavard

2)      Toujours aussi raisonneur, et figé sur son optimisme

3)      Par contre, contrairement à ce qui se passait au début, plus personne ne l’écoute.

 

1)      un bavard impénitent :

 

·        La longueur des tirades de Pangloss : C’est Pangloss qui parle sans arrêt : au 1°§, c’est lui qui entame la discussion avec le derviche (de philosophe à philosophe), puis au 2°§, c’est encore lui qui interroge le paysan. Par la suite, Voltaire met dans sa bouche diverses tirades dont deux sont particulièrement longues (celles des 3° et 4° §).

·        Les énumérations : A trois reprises (fin du 1°, 3° et 4°§) le discours de Pangloss se caractérise par des énumérations : la première est une série de concepts philosophiques renvoyant à la métaphysique de Leibnitz ; la seconde fait défiler la liste de tous les puissants de l’histoire qui ont péri misérablement : liste bien ordonnée, d’abord des exemples pris dans la bible, puis dans l’antiquité gréco-latine ; enfin dans l’histoire européenne plus récente ; la troisième est un rappel de tous les malheurs vécus par les personnages au cours de l’histoire. Cette façon de faire parler Pangloss a pour but de le rendre ridicule : Voltaire critique sa loghorée verbale. Il répète mécaniquement les mêmes tournures de phrases : « vous savez …, vous savez… », il semble parler pour le plaisir de parler.

 

2)      un raisonneur prétentieux et creux :

 

·        La multiplication des connecteurs logiques :  Les discours de Pangloss ont l’apparence de raisonnements bien structurés. Pangloss utilise de nombreux « car » ou « car enfin » (3 fois), « si » (5 fois), « pour que », « ce qui prouve ». Mais cette armature logique est là pour camoufler le vide de la pensée. Pangloss a apparemment une explication rationnelle pour tout, mais il est facile de montrer qu’il est en réalité chaque fois à coté du sujet : par exemple, lorsque Candide dit qu’ « il faut cultiver notre jardin », Pangloss ne comprend pas ce qu’il veut dire, il débite mécaniquement le discours biblique banal sur le travail comme nécessité humaine.

·        Le pédantisme : Les raisonnements de Pangloss sont fondés sur une culture livresque qu’il étale avec complaisance. Il répète ce qu’il a lu dans les livres : citations de la Bible, leçons d’histoire, et il récite le catéchisme leibnitzien : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ». Pangloss se donne des airs savants en parlant en latin : « ut operatur eum » ; utilise des termes philosophiques, fait étalage de son érudition historique.

·        Figé sur sa philosophie optimiste : La dernière tirade de Pangloss, enfin, montre qu’il n’a pas bougé d’un iota sur sa philosophie de la providence : il tente de prouver que la sagesse et le bonheur tout relatif que la petite famille a trouvé dans son jardin de la Propontide n’aurait pas pu exister sans tous les malheurs qui se sont enchaînés jusque là. C’est évidemment absurde, mais c’est encore plus absurde de la façon dont Pangloss construit sa phrase : longue montée oratoire fondée sur la répétition des propositions subordonnées de condition, débouchant sur une petite conclusion ridicule qui réduit le bonheur actuel au fait de « manger des cédrats confits et des pistaches ». Par ce contraste entre la préparation oratoire et la chute finale, Voltaire, à son habitude, renforce l’absurdité du discours qu’il veut ridiculiser.

 

3) que plus personne n’écoute :

 

·        Un enchaînement de camouflets : Tout au long du passage, Pangloss essuie rebuffade sur rebuffade. Le derviche, malgré le ton humble adopté par Pangloss qui l’appelle « maître » le prend tout de suite de haut ; il le tutoie, commence par lui demander de quoi il se mêle, lui dit de se taire, et devant le discours prétentieux que lui tient Pangloss, finit par lui claquer la porte au nez. Ensuite, c’est le paysan qui le prend à contre-pied : « je n’en sais rien » (et en gros « je m’en fiche »). Puis c’est Candide qui lui coupe la parole : « …Mais je sais qu’il faut cultiver notre jardin ». Puis, c’est Martin qui lui lance une pique : « Travaillons sans raisonner, dit Martin ; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable ». Une façon de faire savoir à Pangloss qu’il est par trop raisonneur. Enfin, pour la seconde fois, Candide s’oppose à lui par un « mais » : « Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin ». Une façon de lui signifier que sa rhétorique, son art de bien dire, tourne un peu à vide. Cet enchaînement de camouflets crée un comique de répétition. Par ailleurs, les situations ridicules dans lesquelles se trouve Pangloss à plusieurs reprises donne au passage une tonalité assez drôle.

·        L’émancipation intellectuelle de Candide à l’égard de Pangloss : C’est peut-être l’événement essentiel de cette fin de conte, Candide ose contredire son ancien maître et penser par lui-même. Voltaire écrit au début du §3 que Candide « fit de profondes réflexions sur le discours du Turc ». Candide ne parle pas beaucoup, mais il est évident que la maxime qu’il prononce à deux reprises est donnée par Voltaire comme la morale principale du conte. Contrairement à Pangloss, Candide a évolué. Cette prise de distance de l’élève à l’égard  du maître est le symbole de l’échec de Pangloss.

 

Conclusion : 

·    Récapituler les idées démontrées : L’un des centres d’intérêt de cette fin de Candide réside dans la façon dont Voltaire achève de ridiculiser Pangloss. Il montre la persistance de ses défauts. Il le soumet à une série d’humiliations administrées à tour de rôle par le Derviche, le paysan, Martin et Candide. Il montre comment ce dernier se libère définitivement de l’influence de son maître.

·    Elargir le propos : Tel était le but du conte en tant qu’apologue : régler son compte à l’optimisme. Le titre lui-même (Candide ou l’optimisme) l’annonçait . Avec ces dernières scènes, c’est une chose faite.

 

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AUTRES EXEMPLES DE QUESTIONS POUR L'ORAL DU BAC

 

·        A quelles caractéristiques du texte voyons-nous que nous sommes arrivés au terme de l’apologue?

·        Décomposez le passage en plusieurs scènes et montrez comment cette composition participe à la morale du conte.

·        A la lumière de cet extrait, quel sens pouvons-nous donner à la maxime finale du conte ?