"Mission", film de Roland Joffé.

Palme d'or au Festival de Cannes 1986.

 

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Présentation de cette oeuvre dans le Guide des films (Bouquins, Robert Laffont) :

 

MISSION ***

 

(The Mission USA, 1986.) R. : Roland Joffé; Sc. : Robert Bolt; Ph.: Chris Menges; M. Ennio Morricone; Pr.: David Puttnam; Int. Robert De Niro (Mendoza), Jeremy Irons (le père Gabriel), Aidan Quinn (Felipe) Cherie Lunghi (Carlota). Panavision-couleurs, 127 min.

En Amérique du Sud en 1750, Mendoza, un trafiquant d'esclaves qu'il va chercher dans les villages indiens, rencontre le père Gabriel. Quelques années plus tard, Mendoza retourne à la mission du père Gabriel et tente de le soutenir dans son action en faveur des Indiens, contre l'annexion par les colonisateurs espagnols et portugais des territoires administrés par les Jésuites. Par son geste, Mendoza cherche à expier le meurtre de son frère et ira jusqu'à l'affrontement avec les troupes espagnoles lors de l'assaut final du village.

Certes, les acteurs sont excellents; certes, les décors en extérieurs sont superbes ; certes, l'histoire présente de l'intérêt; mais il manque au film l'élément définitif qui lui donnerait la profondeur qu'il mérite. Le caractère grandiose du cadre écrase les personnages et les réduit souvent à de simples éléments du décor. Même si la scène finale de l’attaque du village est admirable, on ne peut pas ne pas être irrité par le côté écolo naïf un peu poussé.

 

Pour compléter votre information sur le film "Mission" : 

 

 

 

 

Le thème utopique
dans le film « Mission » 
de Roland Joffé

 

 

 

Définition de l’utopie : Un récit utopique invente une société idéale située dans un pays imaginaire.

 On peut considérer le récit utopique comme une variante (généralement longue) de l’apologue. En effet, l’invention d’une société idéale vise généralement à critiquer indirectement la société réelle (dimension satirique de l’utopie). Tout récit utopique soutient – plus ou moins explicitement - une thèse politique.

 

 

1)      Dans quel sens peut-on parler d’utopie à propos des réductions jésuites telles qu’elles sont présentées dans le film Mission ?

     Les missions jésuites sont présentées dans le film comme un exemple réussi, pacifique et harmonieux de colonisation ; elles constituent des micro-sociétés totalement harmonieuses, sans conflits internes, où toutes les conditions semblent réalisées pour l’épanouissement des êtres humains.

    Certes, l’histoire est basée sur des faits réels. Mais l’éloignement géographique et historique confère au sujet une dimension mythique, qui confine à l’imaginaire.

 

2)      Qu’est-ce qui sépare les missions des autres domaines administrés par les européens :

Ø      Les indiens ne sont pas esclaves : ils sont libres de venir et de partir

Ø      Leur système tribal est respecté : le roi reste le roi ; leur culture aussi : les prêtres se soumettent partiellement aux coutumes indiennes (peintures sur le corps de De Niro)

Ø      l’édification de la mission semble négociée par la douceur mais pas imposé par la violence (thème de la flûte)

Ø      90 % des bénéfices du commerce sont restitués aux indiens

Ø      ce bénéfice est également réparti entre les indiens : pas de propriété privée, référence aux premiers chrétiens (allusion du cardinal romain aux groupes extrémistes qui préconisent ce type d’organisation communautaire en Europe)

Ø      accès des indiens à une véritable éducation : musique, artisanat, agriculture, et même accession à des responsabilités (cf le prêtre indien de San Miguel)

 

3)      Montrez la présence d’une symbolique paradisiaque dans la représentation de la vie des indiens.

Ø      Les images de baignades dans le fleuve : nudité = idée de liberté

Ø      Rires et jeux, omniprésence des enfants

Ø      Le goût des indiens pour la musique magnifié par l’éducation des jésuites.

Ø      La beauté des paysages vise à créer l’impression d’un « paradis perdu ».

 

 

4)      Quelle est la thèse soutenue par le film ?

       Le film se présente comme un éloge des Jésuites, contre les attaques dont ils ont été l’objet au 18° siècle de la part des pouvoirs et aussi des philosophes (voir Candide, chapitres XIV, XV, XVI et Le Traité des moeurs de Voltaire, extrait cité dans le dossier de l'édition de Candide du livre de poche). Il pose le problème de la colonisation. Il soutient qu’il y avait une autre forme de colonisation et d’évangélisation possible que celle qui a été pratiquée. Il présente les valeurs chrétiennes véritables comme un rempart contre l’oppression économique et politique tout en reconnaissant que ces valeurs n’ont pas toujours été respectées par l’institution de l’Eglise, dans un souci de réalisme politique. Inversement, l’esprit mercantiliste et esclavagiste est imputé à l’influence de l’athéisme sur les cours européennes (voir ce qui est dit du Marquis de Pombal, athée notoire et premier ministre du Portugal). Le film se situe assez clairement dans une optique chrétienne. Il semble se situer dans un courant actuel du catholicisme, très présent en Amérique latine, que l’on appelle la « théologie de la libération ».

 

CONCLUSION

             La confrontation entre ce film et Candide est intéressante à deux niveaux :
            1) Elle montre qu’il peut y avoir deux points de vue diamétralement opposés concernant un même événement historique. Dans Candide, les missions Jésuites sont présentées comme l’exemple même d’une société oppressive : « Los Padres y ont tout, les peuples rien » (Chap. XIV). Elles sont l’opposé de l’Eldorado, qui – dans les chapitres suivants - représente l’Utopie, la société idéale.  Dans le film, au contraire, ce sont les missions jésuites qui sont présentées comme des « Eldorados ».
          2) Elle illustre aussi la force de persuasion de l’apologue : qui voit le film se laisse persuader de la justesse de la thèse défendue par son auteur, aussi facilement que nous admettons la thèse de Voltaire quand nous lisons Candide. D’où la nécessité de l’esprit critique !