LE MARIAGE DE FIGARO
ACTE I, SCENE 10

QUESTIONS DE LECTURE ANALYTIQUE

 

QUESTIONS

1) Dans la réplique des lignes 18-21, cherchez le vocabulaire difficile et reformulez l’argumentation d’Almaviva. Quelle image le comte veut-il donner de lui-même dans cette réplique ?
2) Qu’est-ce que Figaro cherche à obtenir du Comte dans cette scène ? Suzanne ne semble pas accorder beaucoup de chance de succès à cette stratégie : dans quelle réplique ? La suite du passage lui donne-t-elle raison ?
3) Etudiez la façon dont les conjurés utilisent l’arme de la flatterie. L’ironie en est-elle absente ?
4) Analysez le comportement du Comte tout au long de la scène : quels motifs l’empêchent de résister et le poussent finalement à la reculade.
5) Réflexion sur la représentation : Rédigez à l’intention de l’acteur jouant Figaro une fiche lui indiquant les déplacements et le gestes qu’il pourrait faire afin de souligner le rôle joué par son personnage dans ce passage.

 

REPONSES AUX QUESTIONS

1) Quelle image le comte veut-il donner de lui-même dans la réplique des lignes 18-21 ?

"Tu te moques, ami ! l'abolition d'un droit honteux n'est que l'acquit d'une dette envers l'honnêteté".
Reformulation : En abolissant ce droit abusif (le "droit de cuissage"), je n'ai fait que me conduire en honnête homme : tu n'as pas à me remercier.
Commentaire : Le Comte se présente comme un noble réformateur, qui sait reconnaître les droits du peuple, reconnaître les fautes des nobles.

"Un Espagnol peut vouloir conquérir la beauté par des soins; mais en exiger le premier, le plus doux emploi, comme une servile redevance, ah! c'est la tyrannie d'un Vandale, et non le droit avoué d'un noble Castillan".
Reformulation : Il est possible de chercher à séduire une femme par des galanteries et des prévenances, mais il n'est pas digne d'un Espagnol, d'un noble castillan, de chercher à obtenir par la force l'abandon d'une femme.
Commentaire : Le Comte se présente comme un galant homme, respectueux des femmes. Non sans un parfum d'orgueil national et de libertinage.

L'image que le comte veut donner de lui-même est celle d’un seigneur libéral et d’un galant homme

 

2) Qu’est-ce que Figaro cherche à obtenir du Comte dans cette scène ? Suzanne ne semble pas accorder beaucoup de chance de succès à cette stratégie : dans quelle réplique ? La suite du passage lui donne-t-elle raison ?

Figaro demande au comte de remettre à Suzanne la toque virginale, dans une cérémonie publique. Il cherche à utiliser le symbole que constitue la couleur blanche, la présence de la foule, le caractère sacré habituellement accordé au serment public … pour dissuader le comte de continuer à poursuivre Suzanne. Il tient Suzanne par la main, signe qu’elle est sienne. La pression exercée sur le Comte est réelle : la réplique des lignes 18-21, où Almaviva se drape dans sa dignité et joue les nobles libéraux devant ses sujets, son acceptation finale de la cérémonie, semblent donner raison à Figaro.

Suzanne n'accorde pas beaucoup de chance de succès à cette stratégie ("ligne 9 : "qui ne mèneront à rien..."). C'est qu’elle connaît l’hypocrisie du Comte et elle doute que cet engagement purement symbolique soit suffisant pour le contenir. La fin lui donne partiellement raison, car Almaviva trouve une porte de sortie : la revendication de Marceline sur Figaro, preuve qu'il n'a pas cédé sur le fond.

 

3) Etudiez la façon dont les conjurés utilisent l’arme de la flatterie. L’ironie en est-elle absente ?

    On peut montrer aussi que malgré la flatterie, les personnages laissent progressivement percer l’ironie.

    Figaro et Suzanne se livrent à un éloge hyperbolique du Comte :
champ lexical de la moralité : "vertu (2 fois), sagesse, pureté de vos intentions, mérite (méritez), sacrifice"
accumulation de superlatifs : "un si bon maître, un tel avantage, que vous méritez si bien, la grandeur de votre sacrifice"

    Mais l'ironie, qui au début est dissimulée, se manifeste de plus en plus clairement, au fur et à mesure que les personnages prennent de l'assurance en constatant que leur jeu semble fonctionner :
  
C'est lorsque Suzanne dit ligne 29 : "Pourquoi fuir un éloge que vous méritez si bien?" que cette ironie devient évidente pour Almaviva. Car Suzanne sait la vérité. Le Comte pouvait à la rigueur croire Figaro sincère, mais il ne peut pas ne pas voir l'ironie de Suzanne. C'est ce que confirme l'aparté qui suit.
Dans ce contexte, la phrase de Figaro ligne 31 : " Regardez-la Monseigneur ..." est une véritable bravade. Figaro nargue le Comte en lui faisant comprendre qu'il n'aura pas Suzanne et en lui faisant mesurer (par ses compliments sur la beauté de la jeune fille) ce qu'il va perdre. Suzanne entre complètement dans le jeu de Figaro, démontrant aux yeux du comte leur parfaite complicité amoureuse.

 

4) Analysez le comportement du Comte tout au long de la scène : quels motifs l’empêchent de résister et le poussent finalement à la reculade.

D’abord surpris et perplexe, le Comte attend. Puis il pense s’en tirer par de belles paroles (17-20), enfin il comprend et va s’énerver (l.25) mais la foule rentre en jeu (l.28), puis Suzanne, puis surtout la Comtesse (35).

·        Au début , le Comte est sur la défensive, méfiant, mais il  est embarrassé par le soutien accordé par sa femme à Figaro. Il lui fait une réponse de pure rhétorique mondaine, qui a pour  fonction de gagner du temps. Mais il est beaucoup plus sec avec Figaro. Sa réponse de la ligne 14 laisse percer une certaine irritation.

·        Dans sa tirade des lignes 17-20, le Comte se laisse piéger par la flatterie. Il doit défendre devant les vassaux l’image que Figaro vient de proposer de lui.

·        Ligne 25, le Comte s’apprête à énoncer une menace voilée : Figaro habilement le coupe et fait donner la foule. Cette intervention de la foule, puis tout de suite après de Suzanne, l’arrête dans son mouvement. Et le force à attendre. Les apartés soulignent la fureur rentrée du Comte, qui maintenant, a compris.

·        Ligne 35, c’est l’entrée en lice de la Comtesse qui manifestement porte l’estocade en suggérant à mots à peine voilés l’infidélité du Comte. La situation s’envenime … il faut se replier en bon ordre.