Attention aux journalistes
qui s’aventurent chez le très célèbre écrivain Prétextat Tach !

 

Hygiène de l’assassin, d’Amélie Nothomb. 

 

Amélie Nothomb a vécu toute son enfance et son adolescence en Extrême-Orient et réside aujourd’hui à Bruxelles. Après des études de philosophie romane elle a décidé de se consacrer entièrement à l’écriture. Hygiène de l’assassin est son premier roman. Par la suite Amélie Nothomb écrira bien d’autre romans comme  Le Sabotage amoureux en 1993, Les Combustibles en 1994, Les Catilinaires en 1995…
            Prétextat Tach, quatre vingt-trois ans, prix Nobel de littérature, est un vieillard mourant  n’ayant plus que deux mois à vivre. Ce romancier francophone est un homme monstrueux, obèse, mesquin, méchant, cruel et cynique mais néanmoins extrêmement célèbre et prestigieux. Lorsque sa mort imminente fut enfin découverte, des journalistes accoururent du monde entier pour interviewer le grand homme atteint d’un cancer des cartilages. Cet horrible énergumène méprise absolument tout ce qui l’entoure. Pour vous donner une idée, il hait cordialement les journalistes, son dévoué secrétaire Ernest Gravelin, les hommes….. Mais il déteste encore plus les femmes comme son infirmière qui soi-disant abuse de lui.

            En fin de compte, ce roman est une suite d’interview plus ou moins longs qui se terminent toujours de la même façon : les journalistes quittent l’appartement de l’odieux écrivain soit malades, soit à moitié sonnés par la remarquable intelligence de ce prix Nobel mais aussi par sa méchanceté gratuite. Tous sauf une, Nina,  jeune journaliste déterminée et futée, qui aura raison de Prétextat Tach et de son odieux secret.

        

Petit extrait d’une discussion entre l’affreux M.Tach et un journaliste provocant : 

Aimez-vous les jeunes, monsieur Tach?

"- Aimez-vous les jeunes, monsieur Tach?
- Vous avez le don de poser des questions brillantes et inédites, vous alors! Oui, figurez-vous, j’adore les jeunes.
-
C’est inattendu, cela. Vous connaissant, j’aurais imaginé que vous ne pouviez pas les sentir.
- Vous connaissant ! Pour qui vous prenez-vous .Qui êtes vous pour prétendre me connaître?
- Ainsi, vous aimez les jeunes? Pour quelles raisons?

- J’aime les jeunes parce qu’il sont tout ce que je ne suis pas. A ce titre ils méritent tendresse et admiration.

- Voici un réponse bouleversante et émouvante, monsieur Tach.
- Vous voulez un mouchoir? Approfondissez et vous verrez si c’était émouvant.
- Approfondissons donc.
- J’aime les jeunes parce qu’ils sont tout ce que je ne suis pas, disais-je. En effet, les jeunes sont beaux , lestes, stupides, et méchants.
- Vous plaisantez, je suppose?
- Est ce que j’ai une tête à ça? Et puis où serait la plaisanterie? Pourriez-vous nier un seul de ces adjectifs?
- En admettant même que tous ces adjectifs soient fondés, vous situez-vous à leurs antipodes?
- Quoi? Vous me trouvez beau, leste, stupide et méchant?
- Ni beau, ni leste, ni stupide.

- Vous m’en voyez rassuré.
- Mais méchant , vous l’êtes!
- Méchant moi?
- Absolument.

- Méchant? Vous êtes malade. En quatre-vingt trois ans d’existence je n’ai jamais rencontré une personne aussi incroyablement bonne que moi. Je suis monstrueusement gentil, tellement que si je me rencontrais, je vomirais.

- Vous ne parlez pas sérieusement.
- C’est le comble. Citez moi un individu, non pas meilleur que moi (ce serait impossible), mais aussi gentil que moi.
- Eh bien…le premier venu.
- Le premier venu? Donc vous si je comprends bien?
- Moi ou n’importe qui.

-
Ne parlez de n’importe qui, vous ne le connaissez pas. Parlez de vous. Au nom de quoi osez-vous vous prétendre aussi gentil que moi? "

  

            Lorsqu’on lit Hygiène de l’assassin, on est seul à pouvoir juger les personnages. En effet, dans ce roman aucun narrateur n’est présent pour commenter les gestes, les intonations ou les expressions des visages…Tout ceci fait que pendant la lecture l’imagination est toujours en éveil et cela permet dans certains cas de ne pas s’ennuyer. Cette remarque est pour l’œuvre d’Amélie Nothomb à la fois laudative mais aussi péjorative. En effet, et c’est dans ce genre de roman un peu compliqué que l’on s’en rend compte, on se lasse un peu de ce mode d’écriture et on souhaiterait qu’il y ait un narrateur qui suggère nos réactions, ce qui permettrait de ne pas avoir à réfléchir en permanence. Et donc de ne pas se surprendre à lire en pensant à autre chose que ce qui se passe dans le roman.     
           
Hygiène de l’assassin est certes un roman bien écrit, mais je trouve tout de même que certains passages et à vrai dire la plus grande partie du livre tient des propos choquants et déplacés, sans qu’il y ait réellement de mauvaise intentions. Je tiens à insister sur ce point, car le vocabulaire un peu cru peut être un élément attrayant dans certains romans comme Effroyables jardins de Michel Quint, mais quand ce caractère familier est beaucoup trop prononcé comme dans celui d’Amélie Nothomb il peut devenir tout l’inverse.
           
La plus grande qualité de ce roman est sans aucun doute l’humour. En effet, comme on peut le remarquer dans l’extrait précédent, le lecteur peut tout au long du livre rencontrer des passages amusants. Le personnage qu’est Prétextat Tach s’avère plein de réparties et possède un avis négatif sur tous les sujets. Grâce à ce goût de la contradiction extraordinaire, l’ignoble personnage crée des argumentations farfelues tellement  énormes par leur bêtise qu’elles deviennent imparables pour les journalistes qui essayent de lui tenir tête.
           Hygiène de l’assassin est très différent des autres œuvres d’Amélie Nothomb. C’est vrai, ce roman ne fait pas l’unanimité mais il plaira peut être à certains d’entre vous. Amélie Nothomb y a fait des efforts pour créer un nouveau style d’humour encore inconnu dans ses romans et qui se révèlera peut être comme un succès à vos yeux.

 

Mathieu Sinigaglia.