L’étrangeté de l’Etranger

 L’Etranger, d’Albert Camus

 

            L’Etranger est un récit «étrange ». C’est le premier roman d’Albert Camus. Aucune précision n’est donnée sur l’année où se déroule l’action. On peut seulement supposer que nous sommes dans les années qui précèdent la guerre de 1939.

              Meursault est un modeste employé de bureau à Alger. Le récit s’ouvre sur la mort de sa mère et son enterrement. Les jours passent et, invité à passer un dimanche à la plage dans le cabanon de Masson, un ami de son voisin de palier Raymond, Meursault va assister à une rixe sanglante entre ce dernier et des Arabes. Un peu plus tard, retournant seul sur la plage, ayant sur lui le revolver qu’il a confisqué à Raymond, notre héros rencontre un des Arabes. Celui-ci sort un couteau et Meursault tire à plusieurs reprises sur l’homme qui s’écroule. Dans la deuxième partie du livre, on assiste au déroulement de l’instruction et au procès. 

            Quand on lit ce livre aujourd’hui, on comprend mal l’importance qui lui fut accordée en 1943. C’est un livre intéressant, mais pas le chef-d’œuvre auquel on s’attend. Il s’agit d’une banale aventure psychologique. En apparence, l’Etranger tourne autour de deux actes : l’absence d’apitoiement de Meursault lors de la mort de sa mère et le meurtre de l’Arabe. Les descriptions sont superficielles. Peut-être y a-t-il des symboles à décoder ? Mais on ne trouve pas les combinaisons. Meursault ne nous aide guère car il ne communique pas. Il subit passivement les choses, jusqu’au jour de son procès où il sent que l’affaire se déroule en dehors de lui. Il faut attendre la dernière page pour que le personnage découvre la vie et nous avec lui !
           
La lecture de l’Etranger donne une impression de faux. Le meurtre, par exemple. Meursault tue sans raison l’Arabe, un élément du décor. En fait, il tire sur le couteau dans lequel se reflète le soleil. « La lumière a giclé sur l’acier et c’était comme une longue lame qui m’atteignait au front ». Bien sûr, on pourra objecter que le roman est très bien écrit, ce qui est vrai, mais ce personnage perpétuellement décalé, sans espoir, sans ambition et sans exaltation n’est pas un héros. Sa vie est morne, sans but et son silence est insistant. André Gide définissait l’écrivain et le penseur comme un éveilleur. La fonction de Camus est d’endormir. Son personnage déroute car il est opaque et sa vie intérieure trop secrète. 

            Si vous aimez les vrais héros, ceux de Stendhal,  Balzac, Zola ou autres, alors ce livre n’a pas sa place dans votre bibliothèque. Mais lisez tout de même un autre «Camus », car il y a plus passionnant que celui-ci.           

 Julien Vincent