THEODORE DE BEZE

ABRAHAM SACRIFIANT (1550)

 

 

Lecture analytique

 

Introduction : 

 

Le Sacrifice d'Abraham est une oeuvre de Théodore de Bèze, écrivain français, professeur d’université et théologien de religion calviniste, établi en Suisse pour échapper aux persécutions religieuses. Cette pièce à sujet biblique fut jouée en 1550, à l'occasion de la cérémonie des promotions de l’Université de Lausanne. Elle raconte le sacrifice d’Abraham, proposant en exemple au spectateur la foi profonde et la crainte de Dieu du patriarche biblique. Notre extrait correspond au début de la pièce. C'est essentiellement un "prologue" : c'est à dire un discours précédant la pièce, par lequel un acteur anonyme, qui n'est pas un personnage de la fiction, s'adresse directement aux spectateurs. Toutefois, à la fin du texte, nous voyons Abraham entrer en scène. L'analyse du texte permettra de dégager les informations apportées au spectateur par ce début de pièce et les procédés utilisés par l'orateur pour capter l'attention et la sympathie du public.

 

1° AXE : Les informations reçues par le spectateur

A COMPLETER

 

 

2°AXE : Un discours de séduction, destiné à disposer favorablement le spectateur à l’égard du spectacle.

a)   La familiarité du ton

 

L’auteur s’adresse directement au public sur un ton de familiarité et de bonhomie 

 

Exemple, dans la façon d’accueillir le public v. 1à 6

 

Dieu vous gard'tous, autant gros que menus,

Petits et grands, bien soyez vous venus.

Longtemps y a, au moins comme il me semble,

Qu'ici n'y eut autant de peuple ensemble.

Que plût à Dieu que toutes les semaines

Nous pussions voir les églises si pleines !

 

Familiarité du ton : « autant gros que menus »

« Petits et grands » (2 fois)

 

Mélange d’humour et de prosélytisme : l’auteur reproche aux assistants de préférer les spectacles à l’office. Mais en même temps, il se réjouit de la présence de tous = bonhomie.

 

   

    b) L’ humour

 

 L’auteur utilise l’humour pour mettre le public en situation de réceptivité à l’égard du spectacle :

Pour obtenir le silence v. 7 à 16

 

Or çà messieurs, et vous dames honnêtes,

Je vous supplie d'entendre mes requêtes.

Je vous requiers vous taire seulement.

Comment ? dira quelqu'une voirement

Je ne saurais, ni ne voudrais avec;

Or si  faut-il pourtant clore le bec,

Ou vous et moi avons peine perdue,

Moi de parler, et vous d'être venue.

Je vous requiers tant seulement silence,

Je vous supplie d'ouïr en patience.

 

Un public probablement bruyant (voir le début du film Cyrano de Bergerac). Il faut donc obtenir le silence. D’où la double prière : « Je vous supplie… Je vous requiers… » Répétée aux vers 15-16, dans l’ordre inverse.

 

Mais l’orateur essaie de mettre le public de son côté par l’humour :

·        Plaisanterie sur le bavardage des femmes ; noter là encore le ton familier : « clore le bec ».

·        Jeu de mots sur prêter l’oreille qui devient « prêtez-moi vos oreilles » (ce qui prépare astucieusement le calembour final) / « lui rendrons les oreilles » (chute du discours, particulièrement plaisante).

 

Pour solliciter son imagination v.18-26

 

« Or donques peuple, écoute un bien grand cas.

Tu penses être au lieu où tu n'es pas.

Plus n'est ici Lausanne, elle est bien loin :

Humour encore : l’auteur fait semblant de devoir rassurer le spectateur :

 

 Mais toutefois quand il sera besoin,

Chacun pourra, voire dedans une heure,

Sans nul danger retrouver sa demeure. »

 

Ici encore mélange du sérieux et de l’humour : car le passage a une fonction bien précise, liée aux conditions de la représentation : peu ou pas de décors, il faut faire appel à l’imagination du lecteur.

 

c)    L’Apologie du théâtre

 

L’auteur fait l’apologie de la magie du théâtre:

 

Ubiquité du théâtre : Le théâtre est présenté comme un art magique : C’est la magie de l’illusion théâtrale, qui permet au spectateur de se croire en Palestine alors qu’il est à Lausanne. (« Etes-vous ébahis ? »)

 

« Maintenant donc ici est le pays

Des Philistins. Êtes-vous ébahis ? »

 

Vérité du théâtre : La dernière partie du texte insiste sur le miracle autorisé par le théâtre de voir l’immortel Abraham lui-même « au vif représenté », de voir en personne ces « témoins très véritables » : insistance sur la vérité du théâtre.

 

« Non seulement au vif représentées

Mais qui plus est, par la foi surmontées. » v. 37-38

 

Cf. l’anaphore du verbe voir : « voyez-vous bien ce lieu, vous le verrez, vous le verrez, vous verrez »

 

L’auteur vante aussi la valeur morale du sujet, au service de la foi.

Tout au long du texte, l’orateur ne cesse de se comporter comme un « publiciste » : il vante les mérites du sujet .

 

« je vous dirai merveilles »,

« choses tant admirables »,

« un bien grand cas ».

 

+ toute la description du sujet : répétition insistante du mot « foi »

 

L’auteur unit dans l’éloge le théâtre et la foi : « choses tant admirables ». la pièce se terminera sur la victoire de la foi :  « mais qui plus est par la foi surmontée », il s’agit d’un théâtre édifiant, au service de la foi protestante.