AU CABARET VERT
Plan possible pour le commentaire
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UN POEME DE ROUTE
Une inscription spatio-temporelle précise
L’évidente dimension autobiographique
Un style délibérément prosaïque évoquant de simples notes
sur un carnet de route
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Relever et commenter les indices spatio-temporels fournis
par le texte. La première personne La concordance avec ce que nous savons de la vie de Rimbaud à la date indiquée Mettez en évidence :
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ELOGE DES PLAISIRS SIMPLES
Un décor accueillant
Une servante accorte
Eloge de la cuisine familiale Le bien-être du narrateur
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Etudiez la description de l’Auberge
Etudiez la description de la serveuse Etudiez la description de la nourriture
Etudier l’expression du bonheur (dans la strophe 2 notamment) et caractérisez la conception du bonheur qui se dégage du texte. Etudier la tonalité et le rythme des deux derniers vers. |
v.1 |
4/8 + enjambement |
v.2 |
6/6 |
v.3 |
5/7 + enjambement |
v.4 |
2 (rejet) /4/6 |
v.5 |
3/9 + enjambement |
v.6 |
2 (rejet) /10 + enjambement |
v.7 |
6/6 |
v.8 |
9/3 + rejet au vers 10 par dessus le vers9 |
v.9 |
3/9 |
v.10 |
3/9 |
v.11 |
5/6 (+diérèse ?) |
v.12 |
6/6 + enjambement |
v.13 |
1 (rejet) /7/4 (contre-rejet) + enjambement |
v.14 |
3/3/3/3 |
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Introduction
Ce sonnet daté d’Octobre 1870 trouve sans doute son inspiration dans un épisode vécu. Il évoque la fugue qui, à l’automne de cette année-là, conduit le jeune Arthur Rimbaud de Charleville à Douai en passant par la Belgique. On pourrait le définir comme un « poème de route », qui conserve le souvenir d’une halte dans une auberge. Il évoque un moment de bien-être où quelques plaisirs simples suffisent à donner le sentiment du bonheur.
1° AXE : UN POEME DE ROUTE
On remarque d’emblée la prolifération des indices spatio-temporels : Le poème est daté : « octobre 70 ». Le texte précise que l’anecdote s’est déroulée huit jours après le départ du voyageur (v1 : « Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines / Aux cailloux des chemins »). Et nous savons que cela se situe en Belgique, plus précisément à l’entrée de Charleroi (v.2). Rimbaud précise dés le titre le nom du lieu (« Au Cabaret-Vert ») qu’il répètera dans le poème au v.3 ; il l’accompagne de la mention : « cinq heures du soir » qui peut désigner à la fois le moment de l’événement et le moment de l’écriture. Si l’on retient cette deuxième interprétation, le poème apparaît dès le titre comme une note de voyage, prise sur le vif, une page d’un journal de bord où le voyageur note ses impressions en consignant avec soin le lieu et l’heure.
La multiplication de ces références cherche à produire sur le lecteur un effet de réel. La poésie de Rimbaud se présente ouvertement ici comme un reflet de sa vie. Le poème est le souvenir d’un voyage à pied, réellement effectué, dont on nous précise de façon réaliste le moment et le lieu. La présence de la première personne renforce encore cet aspect autobiographique. Par ailleurs, le récit qui nous est fait concorde avec ce que nous savons des fugues effectuées par Rimbaud pendant l’été et l’automne 1870.
Le style d’écriture du poème renforce cet effet de réalisme par une recherche évidente de prosaïsme. Comme pour mieux donner au sonnet une allure de note de voyage griffonnée à la hâte sur un coin de carnet, la versification se présente passablement décousue : six enjambements (v.1,3,5,6,12,13) ; trois rejets (v.4,6,13) ; un contre-rejet (v.13) ; alexandrins rendus systématiquement dissymétriques par des césures à l’hémistiche peu marquées en comparaison avec des coupes secondaires fortes (on peut même noter un alexandrin boiteux, v.11, dont la régularité est conditionnée par une improbable diérèse). Ajoutons à cela un trait de syntaxe proche de la langue orale (phrase entre parenthèse du vers 9), un vocabulaire courant, voire familier (« ce fut adorable » ; « celle-là » ; « tétons énormes » … ). Enfin, le sonnet ne respecte pas la plupart des règles du genre : les rimes des quatrains sont croisées au lieu d’être embrassées, différentes d’une strophe à l’autre au lieu d’être semblables, la phrase du deuxième quatrain enjambe sur le premier tercet alors que le point est traditionnel en fin de quatrains.
Rimbaud a donc souligné l’inspiration autobiographique du texte en utilisant un mode de communication naturel et direct. Ce prosaïsme délibéré se retrouve dans l’image qui nous est donnée du bonheur.
Tout participe au bien-être du narrateur : le décor de l'auberge, la
nourriture appétissante, la serveuse aguichante.
La couleur
verte fait de ce petit restaurant de Charleroi un cadre reposant. Pour
caractériser l'auberge, Rimbaud répète trois fois l'adjectif de couleur :
dans le titre indiquant l'enseigne de l'établissement "Au
cabaret-vert", au vers 3 où ce nom est répété, au vers 6 où il
est mis en valeur par le rejet : « Bienheureux,
j’allongeai les jambes sous la table/verte ». Car l'aubergiste a eu sans doute le bon goût de
peindre toutes ses tables dans la couleur verte afin de créer une unité
d'atmosphère. Le narrateur apprécie aussi "les sujets très naïfs / de
la tapisserie" et le "plat colorié" où sa nourriture est
servie. On devine qu'il se laisse entraîner au plaisir enfantin de prolonger
par l'imagination les scènes dessinées sur le papier peint et sur la vaisselle
de céramique, où ces illustrations étaient courantes. Des termes comme
"naïfs" ou "coloriés" évoquent l'art populaire de l'image
d'Epinal, les livres d'images de l'enfance. Ce cadre apaisant et distrayant est
le premier ingrédient du sentiment de bien-être décrit par le poème.
La
description de la nourriture exploite les mêmes procédés d'écriture que
celle de l'auberge : répétitions, adjectifs (sensations visuelles, olfactives
ou tactiles), vocabulaire simple à connotation populaire. Le menu est répété
avec gourmandise : les "tartines de beurre" deux fois (v.2-3 et 10),
le "jambon" trois fois (v.4,11 et 12). Il y a dans ce ressassement une
sorte de maladresse volontaire, qui donne l'impression que le poète radote de
contentement. La description est en outre agrémentée de toutes sortes de
qualificatifs appétissants : on apporte au jeune homme un jambon "rose et
blanc" (v.11), "parfumé d'une gousse/d'ail" (v.12) et "tiède"
(v.10) comme il l’a demandé ("qui fût – c’est un subjonctif de
souhait - à moitié froid"(v.4)). Les rejets mettent parfois ces mets
exquis en valeur : "De beurre" au vers 4, "d'ail" au vers
13. Par ailleurs, rien de plus simple, de plus familial, que cette cuisine. Mais
pour le jeune homme affamé par "huit jours" de marche, ce repas
d'auberge est un menu de roi : c'est ce que vient souligner le finale du poème,
où un rayon de soleil crépusculaire, pénétrant latéralement dans l'auberge
assombrie, vient transformer en or ("dorait" v.14) la "chope
immense" (v.13) remplie de bière et de mousse. Le verbe "dorait"
embellit; l'adjectif "immense" agrandit, l'allusion au soleil
introduit une sorte d'élargissement spatial, que renforce
l'enjambement des vers 13-14. Cette fin lyrique transforme la sensualité toute matérialiste
du casse-croûte en un bonheur presque spirituel. Le vers 5, déjà, associait
ironiquement l'attitude relâchée du jeune homme (les jambes allongées sous la table)
à la béatitude des "bienheureux" (v.5), terme d'origine religieuse
habituellement réservé aux saints du paradis.
La serveuse
enfin, excite la curiosité du narrateur et provoque sa gratitude. Elle entre en
scène au second hémistiche du vers 8. La présence d'un point à la césure
de ce vers fait de ce second hémistiche une sorte de contre-rejet et met en
valeur son contenu. L'adjectif "adorable" annonce avec emphase le
plaisir provoqué par l'irruption de la jeune fille, accompagnée d'un bouquet de sollicitations
sensuelles : ses appâts naturels (comme on disait sous Louis XIV), sa
joie communicative ("yeux vifs", "rieuse"), son attitude
provocante ("Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure"), et le
plateau bien rempli. Toute la fin du poème n'est qu'une longue phrase mêlant
attraction sexuelle et désirs gourmands, sans qu'on puisse décider ce
qu'incarne exactement pour Rimbaud cette bonne fée : la mère tendre et
nourricière, interprétation que l'atmosphère enfantine du poème renforcerait
plutôt, ou la compagne ardemment désirée qui hante tant de poèmes du Recueil
de Douai.
Le poème
propose donc une image toute sensuelle et prosaïque du bonheur, mais comme il
arrive très souvent chez Rimbaud, partant des désirs du corps on accède
finalement au rêve et à l'Idéal. Un idéal qui se confond avec la nature (le
"rayon de soleil"), une image féminine maternelle (les "tétons
énormes"), la nostalgie d'une enfance heureuse.
Conclusion
Ce poème écrit à seize ans est déjà significatif d'un programme poétique qui sera celui d'Arthur Rimbaud. D'abord, ne pas séparer la poésie et la vie, faire de sa vie l'objet et l'enjeu de la poésie. C'est pourquoi le poème revendique clairement son caractère autobiographique. Et puis rompre avec une poésie trop solennelle tout en se moulant dans la forme classique du sonnet. C'est presque de la prose, mais en réalité c'est une façon de faire chanter les mots de tous les jours, les plus crus, les plus naïfs. On y voit aussi Rimbaud construire sa propre image. L'image héroï-comique de l'aventurier courant les chemins ("J'entrais à Charleroi"), et demandant comme un enfant des "tartines de beurre". Enfin, on y retrouve l'un de ses thèmes de prédilection : la quête du bonheur. Une quête d'absolu qui n'est rien d'autre, peut-être, que la revendication nostalgique d'une enfance qu'il n'a pas eue.
UN
SUJET D'INVENTION.
Aprés avoir étudié des lettres de Rimbaud et son poème "Au Cabaret Vert
Cinq heures du soir", imaginez qu'Arthur et la serveuse, ayant sympathisé,
ont échangé leurs adresses. Quelques semaines plus tard, l'un écrit à
l'autre, qui lui répond. Rédigez les deux lettres. A vous de décider qui
écrit le premier.