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Dumarsais

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SUJET BAC / SERIES TECHNOLOGIQUES


Objet d'étude  : Convaincre, persuader, délibérer 
(l'essai, le dialogue, l'apologue). 

 

CORPUS :

DOCUMENT 1/ Dumarsais (1676-1756), article Philosophe (1755) de L’Encyclopédie (extraits)

DOCUMENT 2 / Voltaire (1694-1778), Petite Digression (1766)
DOCUMENT 3 / Diderot (1713-1784), Supplément au Voyage de Bougainville (1773) (extrait)
DOCUMENT 4 / Kant (1724-1804), Qu’est-ce que les Lumières ? (1784) (extrait)
DOCUMENT 5 / Condorcet (1743-1794), Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1795 - posthume) (extraits).

 

 

Remarque : Une version allégée de ce corpus comprenant uniquement les documents 1,2,3, sera préférable pour un devoir en temps limité.

 

 

QUESTION (portant sur l’ensemble du corpus) : 6 pts
Ces textes appartiennent à des genres argumentatifs différents. Identifiez ces genres en vous fondant sur des définitions précises. Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des indices de forme : types de textes, marques d’énonciation, notamment.

Autre sujet possible :

Vous mettrez en évidence dans ce corpus des définitions convergentes de l'idéal philosophique.

 

TRAVAIL D'ECRITURE  : 14 points


1) Commentaire de texte :

Vous proposerez un commentaire du texte de Diderot. Vous utiliserez le parcours de lecture suivant : vous analyserez d’abord le schéma argumentatif du texte en tenant compte du genre argumentatif utilisé ; puis vous mettrez en évidence l’idéal humain qui se dégage du texte.

Autre sujet possible : 

Vous proposerez un commentaire du texte de Voltaire. Après en avoir analysé les caractéristiques de genre, vous montrerez que Voltaire expose indirectement dans ce texte la méthode philosophique qui est la sienne. Enfin, vous mettrez en évidence les cibles de la critique (individus, pouvoirs, institutions humaines critiqués par Voltaire dans ce texte).  

 

2) Dissertation sur un sujet littéraire :

Dans la "Dédicace" du second recueil des Fables (dédié à Mme de Montespan), La Fontaine fait l'éloge de l'apologue :

C'est proprement un charme : il rend l'âme attentive
                Ou plutôt il la rend captive
                Nous attachant à des récits
Qui mènent à son gré les coeurs et les esprits. 

Partagez-vous l'enthousiasme de La Fontaine pour le genre de l'apologue et son efficacité persuasive?

 

 

3) Invention :

« Raison, tolérance, humanité », le « cri de guerre » des Philosophes des Lumières, selon Condorcet, est toujours d’actualité !

Vous commencez par cette phrase un article plein d’indignation contre le cours actuel du monde, que vous avez décidé de publier dans un journal destiné aux lycéens. Vous empruntez vos exemples à une actualité récente. Vous développez un plan rigoureux.

 

 

DOCUMENT 1/ Dumarsais (1676-1756), article Philosophe (1755) de L’Encyclopédie (extraits)

 

Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir, ni connaître les causes qui les font mouvoir, sans même songer qu'il y en ait. Le philosophe au contraire démêle les causes autant qu'il est en lui, et souvent même les prévient, et se livre à elles avec connaissance: c'est une horloge qui se monte, pour ainsi dire, quelquefois elle-même. Ainsi il évite les objets qui peuvent lui causer des sentiments qui ne conviennent ni au bien-être, ni à l'être raisonnable, et cherche ceux qui peuvent exciter en lui des affections convenables à l'état où il se trouve. La raison est à l'égard du philosophe ce que la grâce (1) est à l'égard du chrétien. La grâce détermine le chrétien à agir; la raison détermine le philosophe.

Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu'ils font soient précédées de la réflexion: ce sont des hommes qui marchent dans les ténèbres; au lieu que le philosophe, dans ses passions mêmes, n'agit qu'après la réflexion; il marche la nuit, mais il est précédé d'un flambeau.

La vérité n'est pas pour le philosophe une maîtresse qui corrompe son imagination, et qu'il croie trouver partout; il se contente de la pouvoir démêler où il peut l'apercevoir. Il ne la confond point avec la vraisemblance; il prend pour vrai ce qui est vrai, pour faux ce qui est faux, pour douteux ce qui est douteux, et pour vraisemblance ce qui n'est que vraisemblance. Il fait plus, et c'est ici une grande perfection du philosophe, c'est que lorsqu'il n'a point de motif pour juger, il sait demeurer indéterminé [...]

L'esprit philosophique est donc un esprit d'observation et de justesse, qui rapporte tout à ses véritables principes; mais ce n'est pas l'esprit seul que le philosophe cultive, il porte plus loin son attention et ses soins.

L'homme n'est point un monstre qui ne doive vivre que dans les abîmes de la mer ou dans le fond d'une forêt les seules nécessités de la vie lui rendent le commerce des autres nécessaire et dans quelqu'état où il puisse se trouver, ses besoins et le bien-être l'engagent à vivre en société. Ainsi la raison exige de lui qu'il connaisse, qu'il étudie, et qu'il travaille à acquérir les qualités sociables.

Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde; il ne croit point être en pays ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre; il veut trouver du plaisir avec les autres; et pour en trouver, il faut en faire ainsi il cherche à convenir à ceux avec qui le hasard ou son choix le font vivre et il trouve en même temps ce qui lui convient: c'est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile.

La Plupart des grands à qui les dissipations ne laissent pas assez de temps pour méditer, sont féroces envers ceux qu'ils ne croient pas leurs égaux. Les philosophes ordinaires qui méditent trop, ou plutôt qui méditent mal, le sont envers tout le monde; ils fuient les hommes, et les hommes les évitent. Mais notre philosophe qui sait se partager entre la retraite et le commerce des hommes, est plein d'humanité. C'est le Chrémès (2) de Térence qui sent qu'il est un homme, et que la seule humanité intéresse à la mauvaise ou à la bonne fortune de son voisin. Homo sum, humani a me nihil alienum puto. (3)

Il serait inutile de remarquer ici combien le philosophe est jaloux de tout ce qui s'appelle honneur et probité. La société civile est, pour ainsi dire, une divinité pour lui sur la terre; il l'encense, il l'honore par la probité, par une attention exacte à ses devoirs, et par un désir sincère de n'en être pas un membre inutile ou embarrassant. Les sentiments de probité entrent autant dans la constitution mécanique du philosophe, que les lumières de l'esprit. Plus vous trouverez de raison dans un homme, plus vous trouverez en lui de probité. Au contraire où règnent le fanatisme et la superstition, règnent les passions et l'emportement.

Le tempérament du philosophe, c'est d'agir par esprit d'ordre ou par raison; comme il aime extrêmement la société, il lui importe bien plus qu'au reste des hommes de disposer tous ses ressorts à ne produire que des effets conformes à l'idée d'honnête homme (…)

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(1)     Aide ou faveur dispensée par Dieu.
(2)
     Personnage d'une comédie de Térence (194-159 av. J.-C.)
(3)
     "Je suis homme, rien de ce qui est humain ne m'est étranger".

 

 

DOCUMENT 2 / Voltaire (1694-1778), Petite Digression (1766)

 

Ce texte n’est pas un extrait, il est complet. Lorsque Voltaire écrit « Petite Digression », il habite Ferney, tout près de la ville de Genève. La République de Genève est alors déchirée par une guerre civile opposant la majorité du peuple à une minorité de privilégiés, qui dirige la ville au travers d’une assemblée municipale intitulée « le Petit Conseil ». Voltaire s’était fait des ennemis de ces notables du  « Petit Conseil »  en se mêlant d’un peu trop prés à la politique genevoise. « Les Quinze-Vingts » est le nom d’un hospice parisien, créé par Saint-Louis en 1260, qui recueillait les aveugles. Il était ainsi désigné à cause du nombre de ses pensionnaires : trois-cents.   

  

      Dans les commencements de la fondation des Quinze-Vingts on sait qu'ils étaient tous égaux, et que leurs petites affaires se décidaient à la pluralité des voix. Ils distinguaient parfaitement au toucher la monnaie de cuivre de celle d'argent; aucun d'eux ne prit jamais du vin de Brie pour du vin de Bourgogne. Leur odorat était plus fin que celui de leurs voisins qui avaient deux yeux. Ils raisonnèrent parfaitement sur les quatre sens, c'est-à-dire qu'ils en connurent tout ce qu'il est permis d'en savoir; et ils vécurent paisibles et fortunés autant que des Quinze-Vingts peuvent l'être. Malheureusement un de leurs professeurs prétendit avoir des notions claires sur le sens de la vue; il se fit écouter, il intrigua, il forma des enthousiastes: enfin on le reconnut pour le chef de la communauté. Il se mit à juger souverainement des couleurs, et tout fut perdu.
    
Ce premier dictateur des Quinze-Vingts se forma d'abord un petit conseil, avec lequel il se rendit le maître de toutes les aumônes. Par ce moyen personne n'osa lui résister. Il décida que tous les habits des Quinze-Vingts étaient blancs - les aveugles le crurent; ils ne parlaient que de leurs beaux habits blancs, quoiqu'il n'y en eût pas un seul de cette couleur. Tout le monde se moqua d'eux, ils allèrent se plaindre au dictateur, qui les reçut fort mal; il les traita de novateurs, d'esprits forts, de rebelles, qui se laissaient séduire par les opinions erronées de ceux qui avaient des yeux, et qui osaient douter de l'infaillibilité de leur maître. Cette querelle forma deux partis.
    
Le dictateur, pour les apaiser, rendit un arrêt par lequel tous leurs habits étaient rouges. Il n'y avait pas un habit rouge aux Quinze-Vingts. On se moqua d'eux plus que jamais. Nouvelles plaintes de la part de la communauté. Le dictateur entra en fureur, les autres aveugles aussi : on se battit longtemps, et la concorde ne fut rétablie que lorsqu'il fut permis à tous les Quinze-Vingts de suspendre leur jugement sur la couleur de leurs habits.
     Un sourd, en lisant cette petite histoire, avoua que les aveugles avaient eu tort de juger les couleurs; mais il resta ferme dans l'opinion qu'ils n'appartient qu'aux sourds de juger de la musique.

 

 

DOCUMENT 3 / Diderot (1713-1784), Supplément au Voyage de Bougainville (1773) (extrait)

 

Le baron de Bougainville (1729-1811), mathématicien, avait publié en 1756 un Traité de calcul intégral. En 1763, il obtient son brevet de capitaine de vaisseau. De 1766 à 1769, il réalise un voyage d’exploration autour du monde dont il publie la relation en 1871 (Le Voyage autour du Monde). Les observations de Bougainville, notamment celles qu’il a pu faire sur les mœurs sexuelles des indigènes  au cours de son escale à Tahiti, suscitent un grand intérêt dans l’Europe des Lumières. En 1872, Diderot apporte sa contribution à ce débat avec le Supplément au voyage de Bougainville. Le texte ci-dessous correspond aux premières pages de cet ouvrage.

 


I

JUGEMENT DU VOYAGE DE BOUGAINVILLE

 

A - Cette superbe voûte étoilée sous laquelle nous revînmes hier et qui semblait nous garantir un beau jour, ne nous a pas tenu parole.

B - Qu'en savez-vous ?

A - Le brouillard est si épais qu'il nous dérobe la vue des arbres voisins.

B - Il est vrai ; mais si ce brouillard qui ne reste dans la partie inférieure de l'atmosphère que parce qu'elle est suffisamment chargée d'humidité, retombe sur la terre ?

A - Mais si au contraire il traverse l'éponge*, s'élève et gagne la région supérieure où l'air est moins dense et peut, comme disent les chimistes, n'être pas saturé ?

B - Il faut attendre.

A - En attendant, que faites-vous ?

B - Je lis.

A - Toujours ce Voyage de Bougainville ?

B - Toujours.

A - Je n'entends rien à cet homme-là. L'étude des mathématiques qui suppose une vie sédentaire a rempli le temps de ses jeunes années ; et voilà qu'il passe subitement d'une condition méditative et retirée au métier actif, pénible, errant et dissipé de voyageur.

   B - Nullement ; si le vaisseau n'est qu'une maison flottante, et si vous considérez le navigateur qui traverse des espaces immenses, resserré et immobile dans une enceinte assez étroite, vous le verrez faisant le tour du globe sur une planche, comme vous et moi le tour de l'univers sur notre parquet.

A - Une autre bizarrerie apparente, c'est la contradiction du caractère de l'homme et de son entreprise. Bougainville a le goût des amusements de la société. Il aime les femmes, les spectacles, les repas délicats. Il se prête au tourbillon du monde d'aussi bonne grâce qu'aux inconstances de l'élément sur lequel il a été ballotté. Il est aimable et gai. C'est un véritable Français, lesté d'un bord d'un Traité de calcul différentiel et intégral, et de l'autre d'un Voyage autour du globe.

B - Il fait comme tout le monde : il se dissipe après s'être appliqué, et s'applique après s'être dissipé.

A - Que pensez-vous de son Voyage ?

B - Autant que j'en puis juger sur une lecture assez superficielle, j'en rapporterais l'avantage à trois points principaux. Une meilleure connaissance de notre vieux domicile et de ses habitants ; plus de sûreté sur des mers qu'il a parcourues la sonde à la main ; et plus de correction dans nos cartes géographiques. Bougainville est parti avec les lumières nécessaires et les qualités propres à ses vues : de la philosophie, du courage, de la véracité, un coup d'oeil prompt qui saisit les choses et abrège le temps des observations ; de la circonspection, de la patience, le désir de voir, de s'éclairer et d'instruire, la science du calcul, des mécaniques, de la géométrie, de l'astronomie, et une teinture suffisante d'histoire naturelle.

   A - Et son style ?

   B - Sans apprêt, le ton de la chose ; de la simplicité et de la clarté, surtout quand on possède la langue des marins.

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* Note / éponge : métaphore pour désigner l’atmosphère chargée d’eau comme une éponge.

 

 

DOCUMENT 4 / Kant (1724-1804), Qu’est-ce que les Lumières ? (1784) (extrait)

 

Ce court opuscule d'une dizaine de pages est une oeuvre de vulgarisation qui dresse le bilan de l'Aufklärung (l'équivalent allemand de ce que nous appelons les Lumières). Emmanuel Kant s'interroge sur ce qui fait la spécificité de ce mouvement et qu'il résume par une formule reprise au poète latin Horace : Sapere aude, « ose connaître ».

 

Qu'est-ce que les Lumières? - La sortie de l'homme de sa minorité, dont il porte lui-même la responsabilité. La minorité est l'incapacité de se servir de son entendement sans la direction d'autrui, minorité dont il est lui-même responsable s'il est vrai que la cause en réside non dans une insuffisance de l'entendement mais dans un manque de courage et de résolution pour en user sans la direction d'autrui. Sapere aude, «Aie le courage de te servir de ton propre entendement», telle est la devise des Lumières.

Paresse et lâcheté sont les causes qui font que beaucoup d'hommes aiment à demeurer mineurs leur vie durant, alors que la nature les a affranchis depuis longtemps d'une direction étrangère (naturaliter maiorennes*) et c'est ce qui explique pourquoi il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs. Il est si confortable d'être mineur! Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui me tient lieu de conscience morale, un médecin qui décide pour moi de mon régime, etc., quel besoin ai-je a lors de me mettre en peine? Je n'ai pas besoin de penser pourvu que je puisse payer; d'autres se chargeront bien de cette pénible besogne. Que la grande majorité des hommes (y compris le beau sexe tout entier) tienne pour très dangereux le pas qui mène vers la majorité - ce qui lui est d'ailleurs si pénible -, c'est ce à quoi veillent les tuteurs qui, dans leur grande bienveillance, se sont attribué un droit de regard sur ces hommes. Ils commencent par rendre stupide leur bétail et par veiller soigneusement à ce que ces paisibles créatures n'osent faire le moindre pas hors du parc où elles sont enfermées. Ils leur font voir ensuite le danger dont elles sont menacées si elles tentent de marcher seules. Ce danger n'est pourtant pas si grand : après quelques chutes, elles finiraient bien par apprendre à marcher. Mais un tel exemple rend cependant timide et dissuade ordinairement de toute autre tentative ultérieure. Il est donc difficile à chaque homme pris individuellement de parvenir à sortir d'une minorité qui est presque devenue pour lui une nature. Et même il y a pris goût et il est pour le moment incapable de se servir de son propre entendement puisqu'on ne lui en a jamais laissé faire la tentative. Préceptes et formules, ces instruments mécaniques d'un usage de la raison, ou plutôt du mauvais usage des dons naturels, sont les fers qui enchaînent une minorité qui se prolonge. Mais celui qui secouerait ces chaînes ne saurait faire qu'un saut maladroit par-dessus le fossé le plus étroit, parce qu'il n'est pas encore habitué à pareille liberté de mouvement. Aussi peu nombreux sont ceux qui ont réussi à se dégager de la minorité par un travail de transformation opéré sur leur propre esprit, et à faire tout de même un parcours assuré.

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*naturaliter maiorennes : majeurs, adultes du point de vue naturel ou biologique.

 

 

DOCUMENT 5 / Condorcet (1743-1794), Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain (1795) (extraits)

 

Le marquis de Condorcet fut le collaborateur et l'ami des philosophes. Elu à la Convention en 1792, il refusa de voter la mort du roi. Emprisonné en 1794, il fut retrouvé mort le lendemain de son incarcération.

 

 

       Il se forma bientôt en Europe une classe d'hommes moins occupés encore de découvrir ou d'approfondir la vérité, que de la répandre ; qui, se dévouant à poursuivre les préjugés dans les asiles où le clergé, les écoles, les gouvernements, les corporations anciennes les avaient recueillis et protégés, mirent leur gloire à détruire les erreurs populaires, plutôt qu'à reculer les limites des connaissances humaines ; manière indirecte de servir à leurs progrès, qui n'était ni la moins périlleuse, ni la moins utile. 
      
En Angleterre, Collins et Bolingbroke ; en France, Bayle, Fontenelle, Voltaire, Montesquieu et les écoles formées par ces hommes célèbres, combattirent en faveur de la vérité, employant tour à tour toutes les armes que l'érudition, la philosophie, l'esprit, le talent d'écrire peuvent fournir à la raison ; prenant tous les tons, employant toutes les formes, depuis la plaisanterie jusqu'au pathétique, depuis la compilation la plus savante et la plus vaste, jusqu'au roman, ou au pamphlet du jour ; couvrant la vérité d'un voile qui ménageait les yeux trop faibles, et laissait le plaisir de la deviner ; caressant les préjugés avec adresse, pour leur porter des coups plus certains ; n'en menaçant presque jamais, ni plusieurs à la fois, ni même un seul tout entier ; consolant quelquefois les ennemis de la raison, en paraissant ne vouloir dans la religion qu'une demi-tolérance, dans la politique qu'une demi-liberté ; ménageant le despotisme quand ils combattaient les absurdités religieuses, et le culte quand ils s'élevaient contre la tyrannie ; attaquant ces deux fléaux dans leur principe, quand même ils paraissaient n'en vouloir qu'à des abus révoltants ou ridicules, et frappant ces arbres funestes dans leurs racines, quand ils semblaient se borner à élaguer quelques branches égarées ; tantôt apprenant aux amis de la liberté que la superstition, qui couvre le despotisme d'un bouclier impénétrable, est la première victime qu'ils doivent immoler, la première chaîne qu'ils doivent briser ; tantôt, au contraire, la dénonçant aux despotes comme la véritable ennemie de leur pouvoir, et les effrayant du tableau de ses hypocrites complots et de ses fureurs sanguinaires ; mais ne se lassant jamais de réclamer l'indépendance de la raison, la liberté d'écrire comme le droit, comme le salut du genre humain ; s'élevant, avec une infatigable énergie, contre tous les crimes du fanatisme et de la tyrannie ; poursuivant dans la religion, dans l'administration, dans les moeurs, dans les lois, tout ce qui portait le caractère de l'oppression, de la dureté, de la barbarie ; ordonnant, au nom de la nature, aux rois, aux guerriers, aux magistrats, aux prêtres, de respecter le sang des hommes ; leur reprochant, avec une énergique sévérité, celui que leur politique ou leur indifférence prodiguait encore dans les combats ou dans les supplices ; prenant enfin, pour cri de guerre, raison, tolérance, humanité.

 

 

 

 

CORRIGE QUESTION

 

Question (6 points) : Vous mettrez en évidence dans ce corpus des définitions convergentes de l'idéal philosophique.

 

On trouve surtout, dans les cinq textes regroupés pour ce devoir, l’idéal de la « raison ». Est philosophe, dans l’optique du XVIII° siècle, celui qui se conduit selon la raison, et possède les qualités ou méthodes nécessaires pour raisonner juste.

 

*

 

Cet idéal de la raison est proclamé dans plusieurs textes. « La raison détermine le philosophe » dit Dumarsais. Ou encore : « Le tempérament du philosophe, c’est d’agir par esprit d’ordre ou par raison ». Condorcet cite cette valeur en première place dans son « cri de guerre » des Lumières : « raison, tolérance, humanité ». Kant utilise le mot « entendement », qui est un synonyme, et résume l’esprit des Lumières par la maxime latine : « Sapere aude », qu’il traduit par : « Aie le courage de te servir de ton entendement ». Le petit apologue de Voltaire est une sorte de contre-exemple : il présente des personnages qui littéralement déraisonnent.

Les textes précisent les qualités et les méthodes qui font d’un homme un être de raison.

Le refus des superstitions est la première de ces qualités. Est philosophe, d’abord, celui qui « n’agit qu’après réflexion » (Dumarsais) et n’admet aucune vérité sans l’avoir au préalable réexaminée, vérifiée. Bougainville, selon Diderot,  a « de la circonspection, de la patience ». Kant et Condorcet utilisent des formules très voisines pour désigner ce que les philosophes refusent. « La superstition qui couvre le despotisme d’un bouclier impénétrable est (…) la première chaîne qu’ils doivent briser » dit Condorcet. Et Kant, de son côté, déclare : « Préceptes et formules, ces instruments mécaniques d’un usage de la raison (…) sont les fers qui enchaînent une minorité qui se prolonge ». Ils refusent de suivre aveuglément de mauvais maîtres, des pouvoirs politiques ou religieux (les « tuteurs » dont parle Kant, le « professeur » du conte de Voltaire).

Une qualité essentielle du philosophe est l’humilité, l’acceptation de sa propre ignorance. Quand on ne sait pas, on doit savoir « demeurer indéterminé » (Dumarsais), « suspendre le jugement » (Voltaire), « attendre » la vérification de l’expérience pour savoir si le brouillard annonce la pluie ou le beau temps (Diderot).

C’est pourquoi le philosophe doit avoir aussi l’« esprit d’observation » (Dumarsais). L’expérimentation est la seule méthode sure : ne se fier qu’au témoignage des sens, au bon « usage des dons naturels » (Kant), qualité éminente de Bougainville selon Diderot (« un coup d’œil prompt qui saisit les choses et abrège le temps de l’observation ») et qui par contre fait totalement défaut aux aveugles du conte de Voltaire qui prétendent raisonner au sujet des couleurs au lieu de se fier aux sens qui sont chez eux les mieux développés : l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher.

Dumarsais et Diderot insistent encore sur la sociabilité du philosophe : « la raison exige de lui qu’il connaisse, qu’il étudie, et qu’il travaille à acquérir les qualités sociables » (Dumarsais). Ainsi, Bougainville          « a le goût des amusements de société », « il est aimable et gai », ce qui ne contredit en rien, pour B, le sérieux de ses entreprises en tant que mathématicien et explorateur. En insistant avec emphase sur l’art des concessions, les détours, les prudences, la diplomatie, bref  l’habileté toute mondaine déployée par les philosophes dans leur combat contre leurs adversaires, Condorcet ne dit au fond rien d’autre que Dumarsais : c’est parce qu’ « il aime extrêmement la société » que le philosophe veut l’améliorer, c’est parce qu’il la connaît qu’il peut y parvenir.

 

*

 

Voilà donc les qualités à rechercher, les méthodes à utiliser, pour accéder aux « lumières », pour devenir cet être majeur (dont parle Kant), indépendant (Condorcet parle de la nécessaire « indépendance de la raison » l.21), ce « philosophe » qui « marche la nuit, mais précédé d’un flambeau » (Dumarsais). C’est cet ensemble de valeurs que le XVIII° siècle appelle : Raison.

 

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 Autre sujet possible

 

Question (6 points) : Ces textes appartiennent à des genres argumentatifs différents. Identifiez ces genres en vous fondant sur des définitions précises. Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des indices de forme : types de textes, marques d’énonciation, notamment.

 

Pistes de réflexion : observations formelles à rechercher pour la question :

 1) Types de texte : argumentatif / narratif

Indices du type de texte :

-         connecteurs logiques / temporels ;

-         temps verbaux du récit / du discours ;

-         structure narrative (péripéties) / argumentative (thèse + arguments + exemples)

 

2) Enonciation : l’auteur / personnages (discours rapportés)

Marques d’énonciation : personnes ; vocabulaire évaluatif.

 

 

Rédaction de la réponse :

 

Les cinq textes du XVIII ° siècle qui constituent ce corpus peuvent être considérés comme directement ou indirectement argumentatifs : tous en effet essaient de démontrer les vertus de l’attitude philosophique. Mais ils ne s’y prennent pas de la même manière pour convaincre le lecteur. Autrement dit : ils appartiennent à des genres argumentatifs différents. Les textes de Dumarsais, Kant et Condorcet peuvent être considérés comme des essais. Celui de Voltaire est un conte philosophique, c’est à dire une forme d’apologue. Celui de Diderot est un dialogue argumentatif.

 

L’observation de la typographie permet tout de suite de repérer la singularité du Supplément au Voyage de Bougainville. Contrairement aux quatre autres textes qui se présentent comme une suite de paragraphes, celui-ci a la forme du dialogue. Deux personnages (deux énonciateurs) désignés par les lettres A et B parlent entre eux. Leurs interventions sont annoncées par des tirets. On remarque en outre, dès qu’on lit le texte, qu’ils échangent des arguments contradictoires, l’un critiquant Bougainville (« Je n’entends rien à cet homme-là »), l’autre le défendant ( « Il fait comme tout le monde : il se dissipe après s’être appliqué, et s’applique après s’être dissipé »). Il s’agit donc d’un dialogue argumentatif. A la fin, B semble avoir convaincu A qui se contente de lui poser des questions. Ainsi, une thèse a été démontrée par l’intermédiaire d’un dialogue fictif. Cette thèse victorieuse correspond selon toute vraisemblance à la position de l’auteur.

On voit bien que le texte de Voltaire est un apologue au fait qu’il s’agit d’un récit. Le texte fait alterner le passé simple et l’imparfait, temps du récit. Les formules de liaison sont des connecteurs temporels : « dans les commencements de la fondation » (l.1),  « ce premier dictateur se forma d’abord un petit conseil… » (l.12). Les paragraphes correspondent à des épisodes d’une histoire : 1° paragraphe : quand les aveugles étaient heureux ; 2° paragraphe : la dispute au sujet des couleurs ; 3° paragraphe : le retour à la sagesse. L’histoire est courte, caractéristique classique de l’apologue, et surtout les personnages ont une valeur allégorique : les aveugles représentent en réalité les hommes. Enfin, tout cela est destiné à illustrer une thèse, une « moralité », qui cependant reste implicite : ne faisons pas comme les aveugles, ne nous mêlons pas de porter des jugements sur ce que nous ne pouvons pas connaître.

Les trois autres textes sont des essais. Ce sont des textes d’idées. Nous avons affaire à des argumentations abstraites représentant directement le point de vue personnel de l’auteur. La marque de cette implication des auteurs n’est pas ici le pronom de première personne mais la forte subjectivité indiquée par la présence d’un vocabulaire évaluatif, constamment élogieux, pour désigner les philosophes. La progression du texte correspond à un schéma argumentatif. Une prise de position personnelle ou thèse est clairement exprimée dès la première phrase : « La raison est à l’égard du philosophe ce que la grâce est à l’égard du chrétien » (Dumarsais) ; « Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité… » (Kant) ; « les écoles formées par ces hommes célèbres combattirent en faveur de la vérité » (Condorcet). Cette thèse initiale est ensuite développée par une succession d’arguments. Ainsi, dans l’article « Philosophe » de l’Encyclopédie, de Dumarsais, la première partie montre que le philosophe règle sa conduite sur la Raison, la seconde partie veut convaincre le lecteur de l’extrême sociabilité du philosophe. Le texte tiré de l’Esquisse d’un tableau historique de l’esprit humain de Condorcet est formé d’une succession de propositions commençant par des verbes au participe présent qui sont autant d’arguments différents en faveur des philosophes du XVIII° siècle. Les termes de liaison sont des connecteurs logiques : « donc », « mais ». Exemples, dans Qu’est-ce que les lumières ? de Kant : « Il est donc difficile à chaque homme pris individuellement de parvenir à la majorité… » ; dans l’article de Dumarsais : « L’esprit philosophique est donc un esprit d’observation et de justesse (…) mais ce n’est pas l’esprit seul que le philosophe cultive ». Le temps des verbes est fréquemment le présent de vérité générale, indice du discours argumentatif, comme dans les exemples précédents. Sauf dans le texte de Condorcet qui est une évocation historique. Tous ces indices sont des caractéristiques de l’essai argumentatif.

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMENTAIRE 
DU SUPPLEMENT AU VOYAGE DE BOUGAINVILLE

(Eléments de correction)

 

1° Axe : étude du schéma argumentatif

 

Thème de la conversation 
(et découpage du texte)

Résumé des arguments

Citations significatives

Commentaire sur la façon d’argumenter des personnages et la progression du rapport de forces au cours du dialogue.

I – Discussion sur la pluie et le beau temps

(lignes 1 à 9)

A estime que le brouillard annonce le mauvais temps .

 

 

 

 

 

 

Affirmation de A
Question de B visant à le faire douter
Nouvel Argument affirmatif de A fondé sur le témoignage des sens
Argument de B en forme d’hypothèse (elliptique)
réponse de A en forme d’hypothèse contraire (elliptique aussi) : cette réponse est un indice de faiblesse. A n’affirme plus, il admet implicitement que deux hypothèses opposées sont plausibles.
Conclusion logique de B : il faut « suspendre le jugement », mieux vaut « rester indéterminé » . A ne réplique plus. B vient de marquer un premier point.
B lui démontre qu’il a porté un jugement trop hâtif. B – Qu’en savez-vous ? (l.3)

Il faut attendre. (l.9)

II – Discussion sur la personnalité de Bougainville

(lignes 10 à 26)

1° partie : lignes 14 -19

A trouve incompréhensible qu’on puisse être à la fois un penseur sédentaire et un voyageur, un homme d’action

 

A - « je n’entends rien à cet homme là » (l.14)

« voilà qu’il passe subitement d’une condition méditative et retirée au métier actif (…) de voyageur » (l.15-16)

 

A montre une certaine hostilité à Bougainville, il ne le comprend pas (entendre =comprendre). A exprime ici le préjugé classique qui veut que l’intellectuel soit un homme de cabinet, peu enclin à l’action pratique.
Une nouvelle fois, B le prend en défaut : l’argument de B reste implicite, il s’exprime par une métaphore, mais son sens est clair. D’ailleurs, A abandonne la discussion et passe à un autre argument.
B réplique que Bougainville sur son bateau reste un homme de cabinet B – « le bateau n’est qu’une maison flottante » (l.17)
2° partie : lignes 20- 26

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A trouve bizarre qu’un mondain aimant s’amuser puisse être aussi un explorateur aventureux A – « une autre bizarrerie apparente, c’est la contradiction entre le caractère de l’homme et son entreprise (…) Il se prête aux caprices du monde d’aussi bonne grâce qu’aux inconstances de  l’élément sur lequel il est ballotté » (l.20-24)

Cela ressemble à l’échange précédent sauf que « A » lui-même semble admettre la faiblesse de son argumentation lorsqu’il ajoute l’adjectif : « bizarrerie apparente » (l.20). Avant même que « B » n’ait eu besoin de répliquer, la dernière phrase de « A » est déjà une synthèse où les diverses facettes de la personnalité de Bougainville apparaissent plutôt complémentaires que contradictoires : « C’est un véritable Français (c’est à dire un mondain), lesté d’un bord d’un Traité de calcul différentiel et intégral (un homme de science, donc …), et de l’autre d’un voyage autour du globe (… et un homme d’action) » (l.23-24). Aussi la réponse de B (« Il fait comme tout le monde etc… » l.25-26)  arrive comme une confirmation de ce qui vient d’être dit plutôt que comme un contre-argument. En réalité, il n’y plus de débat : B vient de marquer un deuxième point.

 

B réplique que tout le monde aime s’amuser après avoir travaillé. B- « Il fait comme tout le monde : il se dissipe après s’être appliqué, et s’applique après s’être dissipé »
III – Discussion sur l’oeuvre.

(l. 27 à 38)

    A n’argumente plus : il se contente de questionner B. A pose deux questions successives sur ce que B pense de Bougainville. B répond par un éloge du navigateur en 3 temps : ses apports scientifiques, ses qualités intellectuelles, ses qualités d’écrivain.

 

 

 

Conclusion : un débat à armes inégales ; « A » incarne l’homme du monde curieux (vernis scientifique), cultivé (langage soutenu, littéraire), mais encore naïf, peu aguerri dans le domaine de la « raison » (1° partie du texte), porteur de préjugés concernant les philosophes (2° partie). Son statut de contradicteur peu avisé sert de faire-valoir à B, porte-parole des Lumières, chargé de défendre Bougainville et de dresser à travers lui le portrait-type du philosophe. Il y a en quelque sorte l’élève (A) et le maître (B).  Cette mise en scène d’une relation prof-élève appartient à la rhétorique conventionnelle du dialogue philosophique.

 

 

2° Axe : L’idéal humain qui se dégage du texte.

 


a)      éloge de la curiosité scientifique, du goût pour les « lumières », de l’érudition.

-          le goût pour la conversation savante de A et de B

-          la curiosité de Bougainville

-          l’érudition de Bougainville

 

b)      éloge de la méthode scientifique.

-          la prudence dans les affirmations

-          l’esprit d’observation

 

c)      éloge de l’éclectisme.

-          le savant doit être aussi un homme d’action et un homme du monde (thème de la sociabilité du philosophe chère à Dumarsais)

 

d)      éloge de l’utilité sociale de la science

-          les progrès apportés par Bougainville

-         la clarté de son style (s’éclairer et instruire)


 

Conclusion : Sous les apparences d’un dialogue léger, d’un simple prologue à son opuscule, Diderot parvient en quelques lignes à rappeler à son lecteur les thèmes essentiels de la propagande philosophique, le corps de doctrine des Lumières tel que l’énonce par exemple Dumarsais dans l’article « Philosophe » de l’Encyclopédie. Il le fait de façon indirecte, allusive, vivante, bref élégante et spirituelle. Un petit tour de force.

 

 

 

 

 

 

VOLTAIRE – PETITE DIGRESSION – PLAN DE COMMENTAIRE

 1er AXE : Le conte comme pédagogie philosophique
a)      un récit, dont on peut étudier le schéma narratif
b)      un récit possédant les caractéristiques du conte et de la fable

Transition : puisqu’il s’agit d’un récit à portée didactique, analysons de façon plus approfondie les idées qu’il contient.

2ème AXE : Un « discours de la méthode » « philosophique ».
a)      la relativité du savoir humain
b)      comment s’imposent croyances et préjugés
c)      la nécessité de l’ « esprit d’examen » : la vérité d’expérience doit l’emporter sur les vérités reçues.
d)      Une leçon de scepticisme et de tolérance

 Transition : mais il n’y a pas seulement dans ce texte un petit abrégé de la philosophie des Lumières, il y a aussi une polémique visant des cibles bien concrètes. 

3ème AXE : Les cibles de la critique
a)      les ennemis des « philosophes » (ceux qui les traitent de « rebelles, esprits forts, novateurs »), les intellectuels traditionnalistes et dogmatiques, symbolisés par le « professeur »
b)      le pouvoir politique (notamment celui de Genève)
c)      l’église, tout le monde, le peuple.

 

 

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