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Corrigé Question

Corrigé Commentaire Corrigé Sujet d'invention Dossier


SUJET BAC / SERIES TECHNOLOGIQUES


Objet : Théâtre (texte et représentation)


1) QUESTION (portant sur l’ensemble du corpus) : 6 pts

En étudiant les indications de lieux, vous montrerez la différence entre ces auteurs dans leur façon plus ou moins réaliste de représenter le lieu de l'action.

2) TRAVAIL D’ECRITURE : 14 pts
Traitez l’un des deux sujets suivants :

Sujet de commentaire
 
Vous proposerez un commentaire du texte d’Alfred de Vigny selon le parcours de lecture suivant : 
Vous mettrez d’abord en évidence le cadre spatio-temporel réaliste et l’atmosphère intimiste qui se dégage de la scène. Puis vous étudierez les personnages en soulignant les oppositions qui laissent deviner un conflit à venir.

Sujet d’invention 
Supposez que vous êtes metteur en scène de théâtre. Comme le fait Paul Claudel dans le texte qui précède l’entrée en scène de l’Annoncier, mais sans reprendre forcément ses partis-pris, élaborez un avant-texte pour la pièce que vous avez étudiée cette année. Dans ce préambule de deux ou trois pages, rédigé en style littéraire et destiné à être rendu public, vous indiquerez à la troupe (décorateurs, éclairagistes, costumières, acteurs, musiciens, etc…) comment vous imaginez le décor et le déroulement de la cérémonie théâtrale au début de la représentation.

 

TEXTE 1 - ALFRED DE VIGNY (1797-1863) - Chatterton (1835).

Epoque : 1770 . La scène est à Londres

 

ACTE PREMIER

 

        La scène représente un vaste appartement; arrière-boutique opulente et confortable de la maison de John Bell. A gauche du spectateur, une cheminée pleine de charbon de terre allumé. A droite, la porte de la chambre à coucher de Kitty Bell. Au fond, une grande porte vitrée : à travers les petits carreaux on aperçoit une riche boutique; un grand escalier tournant conduit à plusieurs portes étroites et sombres, parmi lesquelles se trouve la porte de la petite chambre de Chatterton.

        Le Quaker*  lit dans un coin de la chambre, à gauche du spectateur. A droite est assise Kitty Bell; à ses pieds un enfant assis sur un tabouret; une jeune fille debout à côté d'elle.

 

SCÈNE PREMIÈRE 

LE QUAKER, KITTY BELL, RACHEL

 

KITTY BELL (à sa fille, qui montre un livre à son frère) - Il me semble que j'entends parler monsieur; ne faites pas de bruit, enfants. (Au Quaker.) Ne pensez-vous pas qu'il arrive quelque chose ? (Le Quaker hausse les épaules.) Mon Dieu! votre père est en colère! certainement, il est fort en colère; je l'entends bien au son de sa voix. Ne jouez pas, je vous en prie, Rachel. (Elle laisse tomber son ouvrage et écoute.) Il me semble qu'il s'apaise, n'est-ce pas, monsieur ? (Le Quaker fait signe que oui, et continue sa lecture.) N'essayez pas ce petit collier, Rachel; ce sont des vanités du monde que nous ne devons pas même toucher. - Mais qui donc vous a donné ce livre-là ? C'est une Bible; qui vous l'a donnée, s'il vous plaît ? je suis sûre que c'est le jeune monsieur qui demeure ici depuis trois mois.

RACHEL - Oui, maman.

KITTY BELL - Oh ! mon Dieu ! qu'a-t-elle fait là ! - je vous ai défendu de rien accepter, ma fille, et rien surtout de ce pauvre jeune homme. - Quand donc l'avez-vous vu, mon enfant ? je sais que vous êtes allée ce matin, avec votre frère, l'embrasser dans sa chambre. Pourquoi êtes-vous entrés chez lui, mes enfants ? C'est bien mal! (Elle les embrasse.) Je suis certaine qu'il écrivait encore, car depuis hier au soir sa lampe brûlait toujours.  

RACHEL - Oui, et il pleurait.  

KITTY BELL - Il pleurait ! Allons, taisez-vous ! ne parlez de cela à personne; vous irez rendre ce livre à M. Tom quand il vous appellera; mais ne le dérangez jamais, et ne recevez de lui aucun présent. Vous voyez que depuis trois mois qu'il loge ici, je ne lui ai même pas parlé une fois, et vous avez accepté quelque chose, un livre. Ce n’est pas bien. - Allez... allez embrasser le bon quaker. - Allez, c'est bien le meilleur ami que Dieu nous ait donné.

        Les enfants courent s'asseoir sur les genoux du Quaker [...] On entend une voix tonnante.

KITTY BELL (effrayée)- Oh! mon Dieu! encore en colère. - La voix de leur père me répond là! (Elle porte la main à son coeur.) je ne puis plus respirer. - Cette voix me brise le coeur. Que lui a-t-on fait? encore une colère comme hier au soir. (Elle tombe sur un fauteuil.) J'ai besoin d'être assise. - N'est-ce pas comme un orage qui vient ? et tous les orages tombent sur mon pauvre coeur.  

LE QUAKER - Ah! je sais ce qui monte à la tête de votre seigneur et maître : c'est une querelle avec les ouvriers de sa fabrique. - Ils viennent de lui envoyer, de Norton à Londres, une députation pour demander la grâce d'un de leurs compagnons. Les pauvres gens ont fait bien vainement une lieue à pied ! - Retirez-vous tous les trois... vous êtes inutiles ici. - Cet homme-là vous tuera... c'est une espèce de vautour qui écrase sa couvée.

        Kitty Bell sort, la main sur son coeur, en s'appuyant sur la tête de son fils, qu'elle emmène avec Rachel.

___________________

Note - "quaker" : les quakers sont les membres d'un mouvement religieux lié à l'anglicanisme, qui prône une morale rigoureuse.

 

 

TEXTE 2 - PAUL CLAUDEL (1868-1955) - Le Soulier de Satin (1924)      

 

       … Comme après tout il n'y a pas impossibilité complète que la pièce soit jouée un jour ou l'autre, d'ici dix ou vingt ans, totalement ou en partie, autant commencer par ces quelques directions scéniques. Il est essentiel que les tableaux se suivent sans la moindre interruption. Dans le fond, la toile la plus négligemment barbouillée, ou aucune, suffit. Les machinistes feront les quelques aménagements nécessaires sous les yeux mêmes du public pendant que l'action suit son cours. Au besoin rien n'empêchera les artistes de donner un coup de main. Les acteurs de chaque scène apparaîtront avant que ceux de la scène précédente aient fini de parler et se livreront aussitôt entre eux à leur petit travail préparatoire. Les indications de scène, quand on y pensera et que cela ne gênera pas le mouvement, seront ou bien affichées ou lues par le régisseur ou les acteurs eux-mêmes qui tireront de leur poche ou se passeront de l'un à l'autre les papiers nécessaires.…       Je suppose que ma pièce soit jouée par exemple un jour de Mardi gras à quatre heures de l'après-midi. Je rêve une grande salle chauffée par un spectacle précédent, que le public envahit et que remplissent les conversations. Par les portes battantes on entend le tapage sourd d'un orchestre bien nourri qui fonctionne dans le foyer. Un autre petit orchestre nasillard dans la salle s'amuse à imiter les bruits du public en les conduisant et en leur donnant peu à peu une espèce de rythme et de figure. 
       Apparaît sur le proscenium devant le rideau baissé L'ANNONCIER. C'est un solide gaillard barbu et qui a emprunté aux plus attendus Velasquez ce feutre à plumes, cette canne sous son bras et ce ceinturon qu'il arrive péniblement à boutonner. Il essaye de parler, mais chaque fois qu'il ouvre la bouche et pendant que le public se livre à un énorme tumulte préparatoire, il est interrompu par un coup de cymbale, une clochette niaise, un trille strident du fifre, une réflexion narquoise du basson, une espièglerie d'ocarina, un rot de saxophone. Peu à peu tout se tasse, le silence se fait. On n’entend plus que la grosse caisse qui fait patiemment poum poum poum, pareille au doigt résigné de Madame Bartet battant la table en cadence pendant qu’elle subit les reproches de Monsieur le Comte. Au-dessous, roulement pianissimo de tambour avec des forte de temps en temps, jusqu’à ce que le public ait fait à peu près silence.

 

L'ANNONCIER, un papier à la main, tapant fortement le sol avec sa canne, annonce :

 

LE SOULIER DE SATIN

ou LE PIRE N'EST PAS TOUJOURS SÛR

ACTION ESPAGNOLE EN QUATRE JOURNÉES

 

Coup bref de trompette.

 

PREMIERE JOURNEE


     La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l’Espagne à la fin du XVI ° siècle. A moins que ce ne soit au début du XVII°. L’auteur s’est permis de comprimer les pays et les époques, de même qu’à la distance voulue plusieurs lignes de montagnes séparées ne sont qu’un seul horizon.

 

Encore un petit coup de trompette. Coup prolongé de sifflet comme pour
 la manœuvre d’un bateau. Le rideau se lève
.  

   

SCÈNE 1  -  L'ANNONCIER, LE PÈRE JÉSUITE

 
L'ANNONCIER
- Fixons, je vous prie, mes frères, les yeux sur ce point de l'Océan Atlantique qui est à quelques degrés au-dessous de la Ligne à égale distance de l'Ancien et du Nouveau Continent. On a parfaitement bien représenté ici l'épave d'un navire démâté qui flotte au gré des courants. Toutes les grandes constellations de l'un et de l'autre hémisphères, la Grande Ourse, la Petite Ourse, Cassiopée, Orion, la Croix du Sud, sont suspendues en bon ordre comme d'énormes girandoles et comme de gigantesques panoplies autour du ciel. Je pourrais les toucher avec ma canne. Autour du ciel. Et ici-bas un peintre qui voudrait représenter l'oeuvre des pirates - des Anglais probablement - sur ce pauvre bâtiment espagnol, aurait précisément l'idée de ce mât, avec ses vergues et ses agrès, tombé tout au travers du pont, de ces canons culbutés, de ces écoutilles ouvertes, de ces grandes taches de sang et de ces cadavres partout, spécialement de ce groupe de religieuses écroulées l'une sur l'autre. Au tronçon du grand mât est attaché un Père Jésuite, comme vous voyez, extrêmement grand et maigre. La soutane déchirée laisse voir l'épaule nue. Le voici qui parle comme il suit : «Seigneur, je vous remercie de m'avoir ainsi attaché...» Mais c'est lui qui va parler. Écoutez bien, ne toussez pas et essayez de comprendre un peu. C'est ce que vous ne comprendrez pas qui est le plus beau, c'est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c'est ce que vous ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle. (Sort I’Annoncier)

 

 

TEXTE 3 - SAMUEL BECKETT (1906-1989) - Oh  les beaux jours (1961)

 

 

ACTE PREMIER

 

            Etendue d'herbe brûlée s'enflant au centre en petit mamelon. Pentes douces à gauche et à droite et côté avant-scène. Derrière, une chute plus abrupte au niveau de la scène. Maximum de simplicité et de symétrie.
            Lumière aveuglante.
            Une toile de fond en trompe
-l'oeil très pompier représente la fuite et la rencontre au loin d'un ciel sans nuages et d'une plaine dénudée.
            Enterrée jusqu'au-dessus de la taille dans le mamelon, au centre précis de celui-ci,
WINNIE. La cinquantaine, de beaux restes, blonde de préférence, grassouillette, bras et épaules nus, corsage très décolleté, poitrine plantureuse, collier de perles. Elle dort, les bras sur le mamelon, la tête sur les bras. A côté d'elle, à sa gauche, un grand sac noir, genre cabas, et à sa droite une ombrelle à manche rentrant (et rentré) dont on ne voit que la poignée en bec-de-cane.
             A sa droite et derrière elle, allongé par terre, endormi, caché par le mamelon,
WILLIE.
            Un temps long. Une sonnerie perçante se déclenche, cinq secondes, s'arrête. Winnie ne bouge pas. Sonnerie plus perçante, trois secondes. Winnie se réveille. La sonnerie s'arrête. Elle lève la tête, regarde devant elle. Un temps long. Elle se redresse, pose les mains à plat sur le mamelon, rejette la tête en arrière et fixe le zénith. Un temps long.


WINNIE. - (Fixant le zénith.) Encore une journée divine. (Un temps. Elle ramène la tête à la verticale, regarde devant elle. Un temps. Elle joint les mains, les lève devant sa poitrine, ferme les yeux. Une prière inaudible remue ses lèvres, cinq secondes. Les lèvres s'immobilisent, les mains restent jointes. Bas.) Jésus-Christ Amen. (Les yeux s'ouvrent, les mains se disjoignent, reprennent leur place sur le mamelon. Un temps. Elle joint de nouveau les mains, les lève de nouveau devant sa poitrine. Une arrière-prière inaudible remue de nouveau ses lèvres, trois secondes. Bas.) Siècle des siècles Amen. (Les yeux s'ouvrent, les mains se disjoignent, reprennent leur place sur le mamelon. Un temps.) Commence, Winnie, (Un temps.) Commence ta journée, Winnie. (Un temps. Elle se tourne vers le sac, farfouille dedans sans le déplacer, en sort une brosse à dents, farfouille de nouveau, sort un tube de dentifrice aplati, revient de face, dévisse le capuchon du tube, dépose le capuchon sur le mamelon, exprime non sans mal un peu de pâte sur la brosse, garde le tube dans une main et se brosse les dents de l'autre. Elle se détourne pudiquement, en se renversant en arrière et à sa droite, pour cracher derrière le mamelon. Elle a ainsi Willie sous les yeux. Elle crache, puis se renverse un peu plus.) Hou-ou ! (Un temps. Plus fort,) Hou-ou ! (Un temps. Elle a un tendre sourire tout en revenant de face. Elle dépose la brosse.) Pauvre Willie - (elle examine le tube, fin du sourire) - plus pour longtemps - (elle cherche le capuchon) - enfin - (elle ramasse le capuchon) – rien à faire - (elle revisse le capuchon) - petit malheur - (elle dépose le tube) - encore un - (elle se tourne vers le sac) - sans remède (elle farfouille dans le sac) - aucun remède (elle sort une petite glace, revient de face) hé oui - (elle s'inspecte les dents dans la glace) - pauvre cher Willie - (elle éprouve avec le pouce ses incisives supérieures, voix indistincte) - bon sang ! - (elle soulève la lèvre supérieure afin d'inspecter les gencives, de même) - bon Dieu ! - (elle tire sur un coin de la bouche, bouche ouverte, de même) - enfin - (l’autre coin, de même) - pas pis - (elle abandonne l'inspection, voix normale) - pas mieux, pas pis - (elle dépose la glace) - pas de changement - (elle s'essuie les doigts sur l'herbe) - pas de douleur - (elle cherche la brosse à dents) - presque pas (elle ramasse la brosse) - ça qui est merveilleux - (elle examine le manche de la brosse) - rien de tel (elle examine le manche, lit) - pure ... quoi - (un temps) - quoi ? -  […]

 

 

 

 

CORRIGES


CORRIGE DE LA QUESTION

 

Dans l’extrait de Chatterton de Vigny, l'avant-texte indique d'abord l'espace scénique dans son ensemble. La pièce se déroule « à Londres », dans une demeure bourgeoise : « un vaste appartement: arrière-boutique opulente et confortable de la maison de John Bell ». Puis il en détaille l'organisation interne: « à droite », « à gauche », « au fond ». Ces nouvelles précisions confirment que le lieu de l'action est représentée de façon réaliste. On y trouve par exemple « une cheminée pleine de charbon de terre allumé », « un grand escalier tournant », « un tabouret ». Enfin, cet espace domestique, familier, est un lieu fermé. L’arrière-boutique où se tiennent les personnages est séparée du reste de la maison, mais communique avec les autres pièces grâce à « la grande porte vitrée » avec « ses petits carreaux », et aux « portes étroites et sombres » parmi lesquelles « la porte de la petite chambre de Chatterton ».

Dans Le Soulier de Satin, l'annoncier présente un univers dilaté, débordant le cadre de la scène de théâtre traditionnelle. Les limites spatiales habituelles sont dépassées : « La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l'Espagne à la fin du XVIe siècle ». Claudel manifeste son désintérêt pour l’exactitude historique : « A moins que ce ne soit au XVII° siècle » ou géographique : « l'auteur s'est permis de comprimer les pays et les époques ». L’annoncier souligne que les « grandes constellations » surplombant la scène ne sont que de pauvres artifices de théâtre : « Je pourrais les toucher avec ma canne ». De même, l'avant-texte montre que le décor est traité délibérément avec désinvolture: « Dans le fond la toile la plus négligemment barbouillée, ou aucune, suffit », « un bout de corde qui pend, une toile de fond mal tirée ».

Quant au texte de Beckett, le lieu où se déroule l'action semble échapper à un contexte spatio-temporel déterminé : ce n'est ni l'Espagne du XVIe siècle comme chez Claudel, ni le Londres de 1770 comme chez Vigny. L'avant texte de Oh les beaux jours apporte seulement des indications sur la lumière (« aveuglante »), et surtout le relief : « étendue d'herbe brûlée s'enflant », « petit mamelon », « pentes douces », «chute plus abrupte », « plaine dénudée ». Ces notations produisent un effet visuel stylisé et abstrait, que souligne l’expression : « Maximum de simplicité et de symétrie ». La disposition du personnage de Winnie dans ce décor : « enterrée jusqu’au dessus de la taille dans le mamelon, au centre précis de celui-ci », ajoute à l’étrangeté du lieu. Par ailleurs, comme Claudel, Beckett met en évidence les conventions du dispositif scénique avec cette « toile de fond en trompe-l'oeil très pompier » qui contraste curieusement avec la nudité du décor naturel.

             En conclusion, le texte de Vigny cherche à reproduire fidèlement la réalité en reconstituant sur scène dans ses moindres détails un lieu reconnaissable et familier. Par opposition, Claudel et Beckett tournent le dos à toute idée de réalisme. Ils exhibent avec une complaisance teintée d’ironie ce que la représentation théâtrale du monde extérieur a de conventionnel et d’illusoire. La signification des décors et des lieux doit être cherchée chez eux du côté du symbole plutôt que dans la recherche d’un effet de réel.

 

 

 

ELEMENTS DE CORRIGE POUR LE COMMENTAIRE

Vous pouvez préparer votre commentaire en interrogeant le texte de la façon suivante :
 

1)      Un cadre réaliste et intimiste

a)      A quel moment se situe l’action de la pièce ? Quels sont les indices, directs ou indirects, du texte ? Ces informations sont-elles un argument en faveur du réalisme de la démarche de l’auteur ?
b)      Dans quel sens peut-on parler de réalisme au sujet du dispositif scénique décrit par la didascalie initiale ? Analysez notamment l'effet recherché avec le  grand escalier tournant  la grande porte vitrée.
c)      L’attitude des personnages, au début de la scène, peut faire penser à un tableau, pourquoi ? En quoi s’agit-il d’un tableau intimiste ?
d)      Comment l’auteur utilise-t-il les possibilités offertes par son décor pour faire planer sur les personnages une impression de menace ? Quel argument pouvons-nous en tirer en faveur de l’intimisme de la scène ?
e)      La façon de parler des personnages tout au long de la scène contribue à cette impression d’intimité, de familiarité, pourquoi ?

 
      2) La présentation des personnages et de ce qui peut les opposer

                 a)      le quaker :

- quelle est son attitude pendant la scène ?
- que semble-t-il penser de John Bell ?
- Comment Kitty le présente-t-elle ?
- Est-ce que la scène confirme ce jugement de Kitty ?

     b)      monsieur Tom : qui est-il ? peu de choses sont dites mais chacune de ces informations nous révèle quelque chose d’utile, montrez-le.

           c)      Kitty Bell : quel est son caractère d’après son comportement

      -         avec ses enfants
-         avec Mr Tom
-         avec son mari

 d)      Les enfants : qu’apprenons-nous sur eux ? quel est leur rôle ?

 e)      John Bell

 f) Quels personnages semblent avoir des affinités, des valeurs communes, lesquelles? Entre qui et qui semble-t-il pouvoir y avoir conflit ? de quel ordre ?

 

 

 

 


REDACTION DU COMMENTAIRE DE CHATTERTON (Acte I, scène 1, extrait).

  

Chatterton, pièce de théâtre d’Alfred de Vigny, a été écrite en 1835. Nous sommes donc en pleine période romantique, et il ne faut pas s’étonner de découvrir avec le personnage de Kitty une héroïne à la sensibilité exacerbée, bien caractéristique de ce mouvement littéraire. Le texte est extrait de la scène I de l’Acte I. Selon la tradition, le passage joue le rôle d’une scène d’exposition. Il situe l’action dans un cadre réaliste et intimiste. Il présente les personnages en laissant deviner des antagonismes susceptibles de créer un conflit.

 

* * * * *

  

             Le cadre de l’action peut être défini comme réaliste car l’auteur fournit dès le début de sa pièce des indications précises sur le lieu et le moment de l’action, en faisant référence à des réalités bien connues du lecteur. La didascalie initiale et les noms de personnes nous apprennent que l’histoire se situe en Angleterre, plus précisément à Londres, dans la maison d’un certain John Bell. Le moment de l’action est indiqué par la didascalie initiale : 1770. Cette date est peu éloignée de celle de l’oeuvre : 1835. Un tel choix est rare dans une pièce « sérieuse » : le drame et la tragédie empruntent le plus souvent leurs sujets à l’histoire, aux mythes de l’antiquité. Le conflit du travail opposant John Bell à ses ouvriers, évoqué par le Quaker dans sa dernière réplique, confirme le caractère « moderne » de l’intrigue. Ce thème est d’ailleurs représentatif des années 1830 (émeutes populaires des "trois glorieuses", grève des canuts lyonnais, par exemple...) au moins autant que de la date théorique de l’action (fin du XVIII° siècle). La proximité dans le temps peut être considérée comme un facteur de réalisme : le monde représenté par la pièce est en gros pour le public de 1835 le monde actuel, donc le monde réel.

            Le décor est décrit avec précision : la pièce où se tiennent les personnages est désignée comme « une arrière-boutique », nous sommes donc chez un commerçant ou un artisan. Une «cheminée pleine de charbon de terre allumé » permet d’évoquer un intérieur confortable ; l’utilisation de la tourbe comme combustible est typiquement britannique. Deux indications surtout sont symptomatiques d'un souci exceptionnel de réalisme : le "grand escalier tournant" et la "grande porte vitrée".
            Le « grand escalier tournant » que Vigny propose de placer sur scène conduit  à  « plusieurs portes étroites et sombres, parmi lesquelles se trouve la porte de la petite chambre de Chatterton ». Si l'auteur prend soin de les décrire, c'est que le spectateur doit pouvoir apercevoir ces portes situées au premier étage. Mission est donc donnée au metteur en scène de reconstituer non seulement le rez-de-chaussée (l’arrière boutique) mais aussi un véritable escalier que les personnages pourront emprunter, et le palier de l'étage où l’on verra sans doute apparaître le personnage qui donne son nom à la pièce : Chatterton.
           La didascalie initiale mentionne aussi la présence d’une « grande porte vitrée » qui laisse deviner la boutique elle-même : « à travers les petits carreaux, on aperçoit une riche boutique ». Que faut-il entendre par ce « on aperçoit » ? Rien n’indique que cette ouverture soit une simple toile peinte : c’est peut-être un praticable transparent, à travers lequel on peut réellement voir quelque chose de la réalité extérieure. Le texte laisse la possibilité à un metteur en scène de faire s’agiter derrière cette porte vitrée, des ombres, des silhouettes. Ainsi, la référence à la réalité ne se limite pas à ce qu’on voit sur scène. Tout est fait pour nous faire croire qu’en dehors de cette pièce où se tiennent les personnages se trouvent non des coulisses de théâtre mais un espace extérieur, lieu de la vie sociale. Le dispositif scénique proposé par l’auteur est un décor à double fond mettant en communication espace public (la boutique) et espace privé (l’appartement). C’est cet aménagement particulier de l’espace théâtral qui justifie qu’on puisse entendre dans l'arrière boutique la voix de John Bell (« on entend une voix tonnante », précise une didascalie).

           Ce dispositif se prête aussi à la création d’une atmosphère intimiste. C’est à dire qu’il nous donne l’impression d’entrer dans l’intimité d’une famille.

           Sur le plan visuel, la mise en place des personnages dans ce décor rappelle celle d’un tableau. La didascalie initiale est précise : à gauche, le quaker ; à droite, la mère assise avec ses enfants. Les trois personnages s’étagent à des hauteurs différentes, ils ont l’air de poser pour un photographe ou pour un peintre : la mère assise sur une chaise ou un fauteuil, la fille aînée « debout à côté d’elle », l’ « enfant » (le petit frère) « sur un tabouret » « à ses pieds ». Au début de la scène, Kitty est en train de tricoter (« son ouvrage »), le quaker lit, Rachel "montre un livre" à son frère. Ces calmes occupations suggèrent la vie tranquille d’une famille quelconque, la vie dans toute sa quotidienneté. La présence d’enfants, peu fréquente sur un théâtre, accentue la familiarité de la scène : le spectateur se retrouve dans un milieu familial semblable au sien. Le tout pourrait rappeler un de ces tableaux du XVII° ou du XVIII° siècle représentant des intérieurs bourgeois et peignant leurs occupants dans leurs occupations ordinaires (comme ceux du peintre hollandais Vermeer  par exemple). 
            Sur le plan sonore, comme nous l’avons déjà indiqué, le dispositif permet de faire entendre les échos étouffés de la dispute entre l’entrepreneur et ses ouvriers, les cris du maître de maison. L’opposition entre ce « dehors », monde de l’homme, où règne une certaine violence, et ce « dedans » où semblent se réfugier la mère et ses enfants suggère une intimité précaire et menacée.
           L' incidence du « dehors » sur le « dedans » influe aussi sur la conduite du dialogue : deux sujets de discussion se télescopent en permanence (l'échange mère-enfants au sujet de la bible, et l'échange entre Kitty et le Quaker au sujet du conflit qui se déroule dans la boutique attenante). En outre, nous entendons un dialogue décousu qui produit une impression de naturel : les répliques sont courtes et ne prennent jamais l’allure de récits informatifs, de rappels du passé ou de portraits de personnages absents, comme c’est souvent le cas dans les scène d'exposition classiques. Phrases courtes, souvent interrogatives ou exclamatives, souvent séparées par des tirets qui semblent noter des pauses, des ruptures dans le discours, des sauts d’une idée à une autre, interrompues de brusques mouvements signalés par les didascalies. Tout cela nous rappelle l’allure habituelle d’une conversation familière.

          Ce début de pièce est donc très riche en suggestions de tous ordres permettant au lecteur d’imaginer le cadre dans lequel le drame va se dérouler. La présentation des personnages permet de compléter cette information.

 * * * * *

          Il y a d’abord les enfants. Ils parlent peu, leur rôle n’est important que comme révélateurs du caractère de la mère, à travers la discussion sur la bible donnée par Monsieur Tom.  
          Le quaker, nous dit une note, est un membre d’un mouvement religieux lié au protestantisme anglo-saxon, réputé pour une morale sévère. Kitty Bell le présente comme un ami et un brave homme : « le bon quaker », « le meilleur ami que Dieu nous ait donné ». Son unique intervention dans cet extrait confirme ce point de vue : il plaint les « pauvres gens » qui seront venus vainement demander grâce auprès de leur patron, il semble rempli de miséricorde pour Kitty et ses enfants : « Retirez-vous tous les trois… vous êtes inutiles ici… ». Certaines didascalies nous permettent de préciser son caractère. Au début de la scène, il semble absorbé par sa lecture, il hausse les épaules et ne lève même pas la tête lorsque Kitty l’interroge au sujet de la colère de son mari : c’est sans doute que les sautes d’humeur de John Bell sont habituelles et que Kitty, à son avis, a tort de s’en alarmer autant. Il dégage une impression de calme, de solidité morale. Il apparaît comme un allié potentiel, un protecteur possible pour Kitty et ses enfants.  
          Nous apprenons aussi qu’un jeune homme « demeure ici depuis trois mois », sans doute comme locataire. Il est pauvre et inspire la pitié (« pauvre jeune homme ») ; il est sans doute malheureux puisqu'il lui arrive de pleurer. Nous apprenons qu’il passe beaucoup de temps à écrire, parfois même toute la nuit : « Je suis certaine qu’il écrivait encore, dit Kitty, car depuis hier au soir sa lampe brûlait toujours ». Nous pouvons faire l’hypothèse qu’il est écrivain.
Kitty l’appelle Mr Tom. Mais le lecteur peut deviner, d’après la didascalie initiale, qu’il s’agit de Chatterton, le personnage éponyme : “parmi lesquelles se trouve la porte de la petite chambre de Chatterton ». On notera cependant que le spectateur n’en sait pas autant car il ne dispose pas des didascalies.  
          Kitty apparaît très fragile, peu sûre d’elle. Elle gronde les enfants d’avoir accepté la bible, probablement parce qu’elle considère indélicat d’accepter un présent de la part de quelqu’un d’aussi démuni que « Monsieur Tom ». Mais aussitôt après elle les embrasse pour se faire excuser sa rudesse. Elle est discrète et réservée, c’est pour cette raison qu’elle n’a encore jamais adressé la parole à son locataire et qu’elle interdit à ses enfants de le déranger. Sa sollicitude extrême vis à vis de ce jeune homme a quelque chose d’excessif qui peut suggérer un intérêt « suspect ». Par ailleurs, elle paraît être d’une nervosité maladive : elle a des étouffements, des palpitations de cœur lorsqu’elle entend les cris de son mari dans la boutique. Le texte insiste à plusieurs reprises sur la faiblesse de son « cœur ». Le quaker, même, envisage qu’elle puisse en mourir : « cet homme-là vous tuera ». De fait, elle semble vivre dans la crainte de son époux, au point d’interdire à sa fille de jouer comme si tout devait s’arrêter quand le tyran est en colère : « Il est fort en colère ; je l’entends au son de sa voix . Ne jouez pas, je vous en prie, Rachel ». 
           John Bell enfin est présenté comme un personnage brutal : « encore en colère », « encore en colère comme hier au soir » ; « c’est une espèce de vautour qui écrase sa couvée ».

           Le passage ne laisse guère deviner le sujet de l’action à venir. Par contre, il met l’accent sur l’opposition de caractères et de valeurs entre John Bell d’un côté, sa femme et le Quaker de l’autre. Le lecteur devine aisément que de ces oppositions peut naître un conflit. Les allusions aux valeurs morales et religieuses des personnages présents sur la scène sont constantes : les scrupules de Kitty à l’égard du jeune homme pauvre de la part de qui les enfants ne devraient pas accepter de cadeaux; les conseils de vertu de la mère aux enfants, l'interdiction faite à la petite fille de porter des bijoux : « N’essayez pas ce petit collier, Rachel ; ce sont des vanités du monde que nous ne devons pas même toucher »; les allusions à Dieu : Kitty ne commence jamais une phrase sans dire « Mon Dieu ! » (3 fois) ; elle désigne le quaker comme « le meilleur ami que Dieu nous ait donné » ; la personnalité même du « quaker », désigné par son appartenance à un mouvement religieux ; la Bible, référence sacrée et centrale de l'anglicanisme,  devient dans ce contexte un objet-symbole : elle résume à elle seule la communauté de valeurs entre « Monsieur Tom » et les personnages qui sont là.           Par contraste, le texte insiste sur la brutalité du père (ses hurlements, ses colères répétées),  son comportement dominateur (il est comparé à un « vautour »), son intransigeance dans les rapports sociaux (« Les pauvres gens ont fait bien vainement une lieue à pied » dit le quaker). L’auteur fait ainsi pressentir au spectateur l’opposition entre le groupe des personnages présents sur scène (Kitty et le Quaker, auxquels s’ajoutera probablement Chatterton) et le chef de famille, l’entrepreneur John Bell. Les premiers représentent les valeurs chrétiennes, la sensibilité, la spiritualité ; John Bell représente les valeurs de la société capitaliste moderne, la brutalité des rapports de domination économique, le matérialisme. Nous ne savons pas du tout sur quoi, concrètement, ces deux camps vont s’opposer mais la caractérisation des personnages nous montre ce conflit inévitable. On devine aussi sans peine de quel côté penche le cœur de Vigny, tant il est évident qu’il présente la douce, bonne et sensible Kitty, héroïne romantique typique, comme une victime offerte à la violence de la société qui l’entoure, le tout dans une tonalité pathétique qui éclate dés cette première scène : larmes, embrassements, élancements, mains sur le cœur, sombres prémonitions.

 * * * * *

               Cette scène nous renseigne donc essentiellement sur le lieu et le moment de l’action, la psychologie et les valeurs opposées de certains des personnages. Par son réalisme, elle nous donne le sentiment de pénétrer dans l’intimité d’une famille où un drame va se dérouler. Nous ne connaissons pas l’enjeu de l’action, mais nous en devinons le cadre moral en observant la façon dont parlent et se comportent les personnages. Ainsi, dans cette exposition d’un « drame romantique », l’information reçue par le spectateur est plus indirecte qu’explicite. Mais elle n’en est que plus naturelle car elle place le spectateur dans une situation identique à celle de la vie courante, lorsqu’il se trouve en présence d’êtres qu’il ne connaît pas, et qu’il tente de les deviner à partir de signes extérieurs : leur façon de parler, leurs attitudes. Cette ouverture est donc en tous points caractéristique d’une esthétique de l’illusion théâtrale, fondée sur la vraisemblance des situations, le naturel du dialogue, le réalisme de la représentation scénique.

 

 

 

ELEMENTS DE CORRIGE POUR LE SUJET D'INVENTION

 

PIECE ETUDIEE : LE MARIAGE DE FIGARO

Mettre en scène un texte, c'est l'interpréter. L'attente du correcteur, c'est donc que votre imagination soit mise au service du texte, ce qui suppose d'abord d'en respecter les données, ensuite, d'aider le spectateur à en comprendre le sens profond.

Pour le Mariage de Figaro, par exemple, il sera bon de s'interroger de la façon suivante :

1) Comment montrer par le dispositif scénique choisi que la chambre où se déroule l'Acte I est une pièce désaffectée?

2) Comment indiquer l'époque de référence choisie par les décors, les costumes, la musique (XVIII° ? une version modernisée?)

3) Comment indiquer par le décor le milieu social où se déroule l'action de la pièce, le cadre aristocratique  (la chambre est une chambre de château)?

4) Comment exploiter le symbolisme du lieu, la contiguïté entre la chambre et les appartements du Comte et de la Comtesse? Le lit sera-t-il présent, sous quelle forme?

5) Comment utiliser une éventuelle ouverture musicale pour indiquer le ton de la scène et l'état d'âme des personnages?

6) Comment montrer qu'on est le matin ?

7) Comment montrer qu'on est le "matin des noces"? qu'un mariage se prépare? (par les vêtements? ou plutôt par certains accessoires présents sur la scène?)

 

 

PIECE ETUDIEE : LE BARBIER DE SEVILLE

 

Voici un exemple rédigé d'avant-texte :

 

La salle s’éteint. Avant même le lever du rideau, on entend par derrière une voix qui crie : une, deux, trois... Un air de fanfare s’élève. Le rideau s’ouvre. Un groupe de musiciens et de personnages masqués envahit la scène encore vide et plongée dans une nuit presque totale. Ce sont des fêtards attardés qui parcourent la ville au petit matin, après une nuit passée à boire et à danser. Certains d’entre eux tiennent des lanternes. Ce sont elles qui donnent l’essentiel de la lumière. La musique joue un air joyeux, on chante, on danse, on s’invective : il faut créer une atmosphère de fin de soirée joyeuse et avinée.

Au milieu de ce vacarme, les machinistes en bleu de travail font leur apparition. Ils poussent devant eux les trois éléments amovibles du décor et semblent d’abord se mêler à la farandole. Ce sont trois praticables de bois montés sur roulettes figurant les façades de trois maisons. Chacune des maisons est munie d’une lanterne. Les machinistes les font glisser dans le sillage des musiciens comme si c’était des chars de carnaval. Enfin, pendant que le groupe quitte progressivement la scène, les trois praticables se stabilisent à la place prévue pour le premier acte.

Au fond du plateau de scène, face aux spectateurs, c’est la maison de Bartholo. On distingue un mur blanc, une porte en bois massif et, à l’étage, deux fenêtres grillagées. C’est à l’une de ces fenêtres à jalousies que Rosine se montrera tout à l’heure.

Côté jardin, à gauche pour les spectateurs, de biais, prend place une maison à encorbellement, de style médiéval, blanche aussi mais ornée de colombages. Sous le premier étage en saillie supporté par des piliers de bois, un passage couvert, légèrement surélevé, auquel on accède par un escalier de deux marches. C’est là que Figaro s’installera au début de la scène 2, pour composer et corriger son texte. Par moments, au cours du 1° Acte, il pourra utiliser cet espace surélevé comme un plateau de théâtre.

Côté cour, enfin, un volume cubique blanc qui figure le mur aveugle d’une maison et l’angle d’une rue. C’est là que se cachera le Comte quand Figaro fera son apparition.

Au moment où disparaît le groupe des noctambules, un homme enveloppé d’un grand manteau brun et chapeau rabattu reste seul en scène et observe la maison de Rosine. On entend encore la musique qui s’éloigne. Il se tourne vers les spectateurs : « Le jour est moins avancé que je ne croyais…".

Côté jardin, on entend un bruit de porte qu’on ferme, des bruits de pas. Le Comte rebrousse chemin et se dissimule à l’angle de la maison, côté cour, éclairé par le halo de la lanterne fixée sur l’arrête du mur. De là il parle en direction des spectateurs : « Au diable l’importun ». Figaro paraît côté jardin. Il est vêtu en bourgeois, habit XVIII° plutôt élégant, sans luxe, un peu bohême, la guitare en bandoulière. Figaro s’assied de trois quart sous l’encorbellement, faisant face aux spectateurs, et gratte sa guitare.

             Pendant que Figaro compose et chante, les projecteurs s’allument progressivement et miment le lever du jour.

 

 

DOSSIER 

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio

 

DOSSIER POUR LA CORRECTION / LE SOULIER DE SATIN


Scénographie d'Antoine Vitez pour Le Soulier de Satin
Festival d'Avignon, 1988

 

 

DOCUMENT : ANTOINE VITEZ – PROGRAMME, THEATRE NATIONAL DE CHAILLOT (1987)

  

Sur la mise en scène du Soulier de Satin

       Je comprends aujourd'hui ce qui faisait, en 1947 et dans les années qui suivirent, l'originalité du théâtre de Jean Vilar. Sur la scène du Palais des Papes, comme à Chaillot, l'acteur n'est pas, il entre. Il n'y a pas de rideau qui se lève sur quelque intérieur, quelque lieu, même imaginaire, où l'acteur se trouverait d'avance, et qu'il devrait nécessairement, par son jeu, commenter.
       Non, il n'y a rien d'autre que la scène. L'acteur entre, transportant son siège, s'assoit, ouvre la bouche. De ses mots il fait l'espace ; il faut plutôt dire qu'il est à lui seul l'espace. La mise en scène du Soulier de satin doit procéder de ce principe; le texte du poème y engage. Chaque acteur est à la fois un personnage et l'espace occupé par lui. Et comme dans un livre, les acteurs se succèdent sur la scène ainsi que se succèdent les pages du récit. Il n'y a pas d'interruption, il faut laisser place au suivant, la parole entre à force dans l'action. L'obligation d'avancer - autrement dit de raconter l'histoire - domine tout. Mais pour représenter le Monde entier, sa grandeur, il faut la petitesse du théâtre. Car aucune scène ne sera jamais à la mesure du Monde. Il serait fou de vouloir gonfler la mise en scène comme un ballon grotesque pour la porter aux dimensions de ce que l'on évoque. Tout au contraire, l'énigme proposée par le sphinx Claudel est d'avoir à trouver la forme qui donnera, sur l'aire étroite et nue de la scène, tout le sens. Car le poète dramatique est toujours comparable au sphinx : à tous les moments de l'histoire, le théâtre nouveau apparut injouable, inadapté à ce que l'on croyait savoir ; on apprend avec les siècles. Claudel, heureusement, déconcerte et interroge encore, il n'a pas atteint la glorieuse innocuité des classiques.

 

 

Lucien Coutaud (1904-1977), décor du Soulier de Satin, 
mise en scène de Jean-Louis Barrault, Comédie-Française (1958).

 

 

DOCUMENT : LA CONCEPTION SYMBOLISTE DE LA REPRESENTATION

 

Jean-Jacques Roubine, dans son livre : Introduction aux grandes théories du théâtre, Dunod, 1998, analyse la conception symboliste de la représentation théâtrale. Le symbolisme est un mouvement littéraire de la fin du XIX° siècle. On considère généralement Baudelaire comme son annonciateur. Paul Claudel peut être rattaché à ce courant esthétique.

 

« La contraignante mimesis naturaliste va être ressentie et dénoncée, par certains, comme un carcan étouffant. Le combat est mené par des intellectuels, des poètes adeptes d'une vision du monde qui superpose des thèses occultistes, l'idéalisme schopenhauerien et une sorte de néoplatonisme. Pour eux, la réalité sensible n'est que l'apparente allusion d'une réalité spirituelle supérieure. Dès lors, l'effort déployé par l'art théâtral pour reproduire de façon méticuleuse la première perdait à leurs yeux toute espèce de signification. La vocation du créateur, pour les Symbolistes, c'est de s'employer à déchiffrer les signes et les correspondances à travers lesquels le monde reflète cet au-delà et nous permet de communiquer avec lui. 

(…)

 [Le Symbolisme introduit] dans l'art théâtral un ferment de mutation capital. Pour la première fois depuis le Classicisme, la représentation se trouvait déliée de l'obligation mimétique et de la sujétion à un modèle emprunté au réel. Cette affirmation d'une autonomie de l'image scénique par rapport à la réalité et à la vérité allait permettre au XX° siècle de repenser de fond en comble sa conception et sa pratique du théâtre, quelles que fussent, par la suite, les solutions adoptées.
     La notion de symbole que le théâtre français avait ignorée depuis la fin des Mystères médiévaux permettait de redéfinir le statut de l'image scénique.

 (…)

 Certains Symbolistes, à l'instar de Wagner avec son ultime « drame sacré », Parsifal, aspirent à restituer au théâtre une dimension liturgique que près de trois siècles de mimétisme lui avaient fait perdre de vue. Pour Maeterlinck ou Saint-Pol Roux, la scène devrait  (re)devenir l'enceinte d'un cérémonial qui renverrait à un divin à la fois occulté et présent...

 (…)

 Ils érigent en valeur suprême, on l'a dit, la parole poétique. Dans la scène, ils ne voient pas tant le lieu d'une action dramatique qu'un espace plus ou moins adapté au déploiement de cette parole. Et encore, cette conception ne va-t-elle pas sans réticences ! Dans la médiatisation de la scène, les Symbolistes voient un risque plutôt qu'une chance. Avec Maeterlinck, ils estiment que l'incarnation du théâtre aboutit à un épaississement, à une matérialisation qui dégrade la poésie. Le texte lu et rêvé par le lecteur sera toujours incomparablement plus beau que sa représentation. L'expérience de la scène, dans ces conditions, est, pourrait-on dire, décevante par définition. »

 

 

 

 

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio

DOSSIER ICONOGRAPHIQUE POUR LA CORRECTION / OH LES BEAUX JOURS

Acte I


Oh les beaux jours, mise en scène de Peter Brook
avec Natascha Parry (Winnie), Théâtre des Bouffes du Nord, Paris, 1996. 

 

Peter Brook et Natacha Parry lors d'une répétition au Théâtre des Bouffes du Nord, septembre 2000.

 

L'ombrelle en feu

Billie Whitelaw dans le rôle de Winnie

 

Acte II

 


Acte II

Oh les beaux jours, mise en scène de Roger Blin
avec Madeleine Renaud (Winnie), Théâtre du Rond-Point, Paris, 1981. 

 

 

Happy Days, mise en scène par David Heeley
avec Irene Worth (Winnie), Broadway, 1980

 

Elisa Galvez dans le rôle de Winnie 
lors d'une représentation en plein air de Oh les beaux jours, à Madrid en 1996.

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio


DOSSIER ICONOGRAPHIQUE POUR LA CORRECTION / EN ATTENDANT GODOT

En attendant Godot - Bloomsburg Theater - Bloomsburg University (Pensylvanie)
Mise en scène de Laurie Mac Cants (1992)

 

 

En attendant Godot - Bloomsburg Theater - Bloomsburg University (Pensylvanie)
Mise en scène de Laurie Mac Cants (1992)

 

 

 

En attendant Godot - Mise en scène par une troupe de Hongrie

 

 

Philippe Demarle (Estragon) et David Warrilow (Vladimmir)
dans En attendant Godot, au Théâtre des Amandiers, Nanterre, 1991.
Mise en scène de Joël Jouanneau, décor de Jacques Gabel.

 

 


UN TRAVAIL DE SCENOGRAPHIE POUR 

EN ATTENDANT GODOT 

TRINITY UNIVERSITY (SAN-ANTONIO, TEXAS)

TOUTES LES ETAPES DE LA RECHERCHE, DEPUIS LE CROQUIS INITIAL JUSQU'A LA CONSTRUCTION DU DECOR



www.angelfire.com/tx/ SLGDESIGN/godot.html
.

 

 

 

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio

 

DOSSIER ICONOGRAPHIQUE POUR LA CORRECTION / LE MARIAGE DE FIGARO

 

Décor du premier acte 
Représentation des Noces de Figaro au Théâtre du Capitole de Toulouse en mai 2002.
Direction musicale : Klaus Peter Flor.
Mise en scène José Luis Castro.

 

 

Croquis de mise en scène réalisé pour l'Atelier de Théâtre d'une université des Etats-Unis.

 

 

 

 

 

Décor du 1er Acte pour Les Noces de Figaro de Mozart
au Metropolitan Opera de New York, 2002.

 

 

 

 

 

 

DOSSIER ICONOGRAPHIQUE POUR LA CORRECTION / LE BARBIER DE SEVILLE

 

 

 

 

Décor pour Le Barbier de Séville de Rossini
au Metropolitan Opera de New-York, 2002.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio

DOSSIER ICONOGRAPHIQUE / LORENZACCIO

 

 

Alfred de Musset : Lorenzaccio, Acte I, Scène 1
Mise en scène de Francis Huster, Théâtre du Rond-Point, 1989.

 

 

 

 

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Chatterton

Le Soulier de Satin Oh les beaux jours
En attendant Godot  Le mariage de Figaro Le Barbier de Séville Lorenzaccio

 

 

DOSSIER POUR LA CORRECTION : CHATTERTON.

 

Florence Naugrette, Le théâtre romantique (Points-Essais 2001)

 

Dans son essai paru dans la collection « Points – Seuil » sur Le théâtre romantique, Florence Naugrette commente à plusieurs reprises la didascalie initiale de Chatterton :

            

            Elle analyse le rôle de l’escalier dans le dispositif scénique imaginé par Vigny :

 

Les didascalies de Vigny prévoyaient un espace structuré selon le principe du huis clos : la scène se passe chez l'industriel John Bell et sa femme Kitty, qui hébergent un poète désargenté et mélancolique, Chatterton. Celui-ci loge à l'étage; mais la plupart des scènes se déroulent au rez-de-chaussée, dans le salon, au fond duquel une porte vitrée laisse apercevoir en arrière-­fond une riche boutique. Entre les deux étages, « un grand escalier tournant ». (page 96)

 

De toute cette didascalie, sorte de transposition d'art d'un tableau de genre du XVIIIème siècle anglais, un metteur en scène contemporain peut pratiquement ne rien garder, hors l'escalier praticable, et abondamment « pratiqué » au dernier acte par Chatterton, Kitty et le Quaker, et dont l'importance, on l'a vu, est à la fois dramatique et symbolique. L'intérieur bourgeois où tempête John Bell, où s'esclaffent les lords et où pérore le maire est écrasé par la porte fantomatique de la chambre de Chatterton à l'étage. L'escalier structure la coupe verticale qu'opère le cadre de scène dans la maison bourgeoise. Sans lui, aucune supériorité symbolique du poète ne vient compenser son humiliation sociale, aucune distance entre lui et le monde n'est visible, aucun franchissement du tabou par Kitty n'est matérialisé. La provocation scénique que constitue cet escalier avait d'ailleurs été perçue dès la création par le premier interprète du rôle éponyme, Geffroy. Celui-ci avait lancé à son sujet lors d'une répétition à la Comédie-Française: « C'est comme dans Robert Macaire*, alors ? » Pour sa mise en scène de 1976, Jean Jourdheuil conçoit avec son décorateur René Allio un escalier monumental, « plus qu'un lieu de passage, une passerelle entre le haut et le bas, [ ... ] une aire de jeu, un lieu tel que Chatterton puisse y donner sa douleur et son arrogance en spectacle. Aussi l'escalier faisait-il office de présentoir. Il exhibait les personnages qui avaient la chance ou la malchance de se trouver devant lui ou sur ses marches »  L'escalier sert à montrer les clivages idéologiques, les imaginaires inconciliables. (pages 257-258)

 

L'escalier représente la distance qui sépare Chatterton des philistins qui le méprisent, à cause de sa position marginale de mage romantique à la fois supérieur et intouchable, isolé dans sa tour d'ivoire, il est aussi l'aire de jeu sur laquelle s'accomplissent symboliquement, l'escalier étant selon Freud l'emblème de l'acte sexuel, les retrouvailles dans la mort du poète et de Kitty. (page 115)

 

Elle rapporte le parti que l’actrice Marie Dorval avait su tirer de cet élément de décor lors de la création :

 

Après les répétitions, Marie Dorval s'isole. Elle veut garder pour la première la primeur de son invention: quand Kitty Bell découvre au dénouement le corps sans vie de Chatterton, elle dégringole les marches en s'accrochant à la rampe, et finit par tomber inanimée au pied de l'escalier. Toute la salle est en larmes. Cette glissade spectaculaire ne figure pas dans le texte de Vigny, mais elle témoigne d'une grande intelli­gence de la dramaturgie romantique, où l'indicible est pris en charge par le geste, comme l'explique le metteur en scène Jean Jourdheuil : « Il n'est pas indifférent que ce soit Marie Dorval, l'actrice [ ... ], qui ait eu l'idée de ce jeu de scène en forme de coup de théâtre où brusquement l'affect, par voie de pantomime, établit une sorte de court-circuit par rapport à l'expression parée, c'est-à-dire peu ou prou maîtrisée, des sentiments et des émotions. Cette chute submerge brusquement le drame de la pensée, la retenue de bon aloi, le quasi-classicisme romantique d'Alfred de Vigny, et dans le même temps, peut-être, en donne une image condensée ». (pages 96-97)

 

 

Elle analyse l’effet de réalité et l’effet symbolique  produits par la « découverte » :

 

Chatterton a beau se situer en Angleterre en 1780, c'est évidemment de la société française contemporaine que Vigny dresse le tableau : d'un côté l'aristocratie et la bourgeoisie d'affaires - les lords, le lord-maire Beckford, le boutiquier John Bell, qui partagent les mêmes loisirs (la chasse), de l'autre le poète totalement marginalisé dans une société qui tient l'art pour un simple agrément accessoire.(…) Le huis clos souligne l'autoritarisme et l'utilitarisme de John Bell, l'homme du rez-de-chaussée, qui possède tout l'espace, jusqu'à la boutique qu'on aperçoit au fond, dans la coulisse, par une découverte.

Quand le mot ne désigne pas un défaut de scénographie consistant à laisser voir involontairement un morceau de coulisse au spectateur, une « découverte » est une ouverture volontaire du décor sur un hors-scène visible qui lui est homogène. En l'occurrence, « au fond, une grande porte vitrée : à travers les petits carreaux on aper­çoit une riche boutique » (didascalie liminaire de l'acte 1). L'effet de la découverte est puissamment réaliste puisque, de proche en proche, elle donne l'impression que la scène n'est pas un tréteau de convention, mais un morceau du monde extérieur au théâtre.

Cette toute-puissance sur l'espace est redoublée par la violence de sa parole, qu'on entend avant même son entrée en scène tonner depuis l'extérieur. (pages 228-229)

 

 

________________________________

"cette didascalie, sorte de transposition d'art d'un tableau de genre du XVIIIème siècle anglais ..." (F.Naugrette)


Observez ces tableaux anglais du XVIII° siècle : quelle similitude avec le dispositif scénique de Chatterton I,1?

 


Allan Ramsey : La reine Charlotte et ses deux enfants.

Joshua Reynolds : Lady Cockburn.

Joshua Reynolds : Lady Delmé et ses enfants.

Joshua Reynolds : George Clive et sa famille.

George Romney : La famille Leigh.

Hogarth : La famille Strode.

 

Le décor de Chatterton : un intérieur bourgeois à la Vermeer?