OBJET D'ETUDE : CONVAINCRE, PERSUADER, DELIBERER
(l'essai, le dialogue, l'apologue)

Séries technologiques   

Sujet incomplet, pouvant être utilisé comme exercice d'entraînement (question/commentaire).

 

CORPUS 

1 – Jean-Jacques Rousseau : Citations extraites du Discours sur l’origine de l’inégalité
2 – Voltaire : Article Homme.
3 -- Jean-Jacques Rousseau : La Nouvelle Héloïse (extrait).
4 – Gravure anonyme du XVIII° siècle : Voltaire se disputant avec Rousseau.

1) QUESTION (6 points)

En observant les quatre documents du corpus, et en tirant des informations précises de chacun d'entre eux, vous dégagerez les principaux sujets de désaccord entre les deux philosophes.

 2) TRAVAIL D’ECRITURE (14 points).   

 COMMENTAIRE / Vous commenterez le texte de Voltaire (document 2) : vous étudierez la façon dont est organisé le dialogue entre les différentes thèses, vous dégagerez le schéma argumentatif du texte et vous en analyserez les tonalités. 

Les sujets de dissertation et d'invention sont encore à trouver : toute proposition sera la bienvenue !!!

DOCUMENT 1 – JEAN-JACQUES ROUSSEAU / Citations extraites du Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.


En dépouillant cet être, ainsi constitué de tous les dons surnaturels qu'il a pu recevoir, et de toutes les facultés artificielles qu'il n'a pu acquérir que par de longs progrès, en le considérant, en un mot, tel qu'il a dû sortir des mains de la nature, je vois un animal moins fort que les uns, moins agile que les autres, mais, à tout prendre, organisé le plus avantageusement de tous. Je le vois se rassasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant son lit au pied du même arbre qui lui a fourni son repas, et voilà ses besoins satisfaits [...]. Ses désirs ne passent pas ses besoins physiques ; les seuls biens qu'il connaisse dans l'univers sont la nourriture, une femelle et le repos ; les seuls maux qu'il craigne sont la douleur et la faim ; je dis la douleur et non la mort , car jamais 1’animal ne saura ce que c'est que mourir, et la connaissance de la mort et de ses terreurs est une des premières acquisitions que l'homme ait faites, en s'éloignant de la condition animale. [...] Son âme, que rien n'agite, se livre au seul sentiment de son existence actuelle, sans aucune idée de l'avenir, quelque prochain qu'il puisse être, ses projets, bornés comme ses vues, s'étendent à peine jusqu'à la fin de la journée. [...] Plus on y réfléchit, plus on trouve que cet état était le moins sujet aux révolutions, le meilleur à l'homme, et qu'il n'en a dû sortir que par quelque funeste hasard, qui pour l'utilité commune eût dû ne jamais arriver. L'exemple des sauvages qu'on a presque trouvés à ce point semble confirmer que le genre humain était fait pour y rester toujours, que cet état est la véritable jeunesse du monde, et que tous les progrès ultérieurs ont été en apparence autant de pas vers la perfection de l'individu, et en effet vers la décrépitude de l'espèce. [...] 

Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits de peaux avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs ou quelques grossiers ins­truments de musique; en un mot, tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire, et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature, et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant. Mais, dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre, dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire, et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les mois­sons.  [ ... ]  

De la culture des terres s'ensuivit nécessairement leur partage -, et de la propriété, une fois reconnue, les premières règles de justice. Car, pour rendre à chacun le sien, il faut que chacun puisse avoir quelque chose; de plus, les hommes commençant à porter leurs vues dans l'avenir, en se voyant tous quelques biens à perdre, il n'y en avait aucun qui n'eût à craindre pour soi la représaille des torts qu'il pouvait faire à autrui. Cette origine est d'autant plus naturelle, qu'il est impossible de concevoir l'idée de la propriété naissante d'ailleurs que de la main-d'oeuvre; car on ne voit pas ce que, pour s'approprier les choses qu'il n'a point faites, l'homme y peut mettre de plus que son travail. C'est le seul travail qui, donnant droit au cultivateur sur le produit de la terre qu'il a labourée, lui en donne par conséquent sur le fonds, au moins jusqu'à la récolte, et ainsi d'année en année : ce qui, faisant une possession continue, se transforme aisément en propriété. [ ... ] 

Si nous suivons le progrès de l'inégalité dans ces différentes révolutions, nous trouverons que l'établissement de la Loi et du droit de propriété fut son premier terme; l'institution de la magistrature le second; que le troisième et dernier fut le changement du pouvoir légitime en pouvoir arbitraire. En sorte que l'état de riche et de pauvre fut autorisé par la première époque, celui de puissant et de faible par la seconde, et par la troisième celui de maître et d'esclave, qui est le dernier degré de l'inégalité et le terme auquel aboutissent enfin tous les autres, jusqu'à ce que de nouvelles révolutions dissolvent tout à fait le Gouvernement, ou le rapprochent de l'institution légitime [...].  

 

DOCUMENT 2 – VOLTAIRE : Article Homme (Questions sur l’Encyclopédie, 1770). Extraits.

             

            Tous les hommes qu’on a découverts dans les pays les plus incultes et les plus affreux vivent en société comme les castors, les fourmis, les abeilles, et plusieurs autres espèces d’animaux.  
            On n’a jamais vu de pays où ils vécussent séparés, où le mâle ne se joignît à la femelle que par hasard, et l’abandonnât le moment d’après par dégoût ; où la mère méconnût ses enfants après les avoir élevés, où l’on vécût sans famille et sans aucune société. Quelques mauvais plaisants ont abusé de leur esprit jusqu’au point de hasarder le paradoxe étonnant que l’homme est originairement fait pour vivre seul comme un loup-cervier, et que c’est la société qui a dépravé la nature. Autant vaudrait-il dire que dans la mer les harengs sont originairement faits pour nager isolés, et que c’est par un excès de corruption qu’ils passent en troupe de la Mer Glaciale sur nos côtes ; qu’anciennement les grues volaient en l’air chacune à part, et que par une violation du droit naturel elles ont pris le parti de voyager en compagnie.
   
         Chaque animal a son instinct ; et l’instinct de l’homme, fortifié par la raison, le porte à la société comme au manger et au boire. Loin que le besoin de la société ait dégradé l’homme, c’est l’éloignement de la société qui le dégrade. Quiconque vivrait absolument seul perdrait bientôt la faculté de penser et de s’exprimer ; il serait à charge à lui-même ; il ne parviendrait qu’à se métamorphoser en bête. L’excès d’un orgueil impuissant, qui s’élève contre l’orgueil des autres, peut porter une âme mélancolique à fuir les hommes. C’est alors qu’elle s’est dépravée. Elle s’en punit elle-même. Son orgueil fait son supplice ; elle se ronge dans la solitude du dépit secret d’être méprisée et oubliée ; elle  s’est mise dans le plus horrible esclavage pour être libre.  
            Le grand défaut de tous ces livres à paradoxes, n’est-il pas de supposer toujours la nature autrement qu’elle n’est ? […]

Le même auteur ennemi de la société, semblable au renard sans queue, qui voulait que tous ses confrères se coupassent la queue, s’exprime ainsi d’un style magistral :  
            « Le premier qui ayant enclos un terrain s’avisa de dire : « Ceci est à moi » et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : « Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne ! » »  
            Ainsi, selon ce beau philosophe, un voleur, un destructeur aurait été le bienfaiteur du genre humain et il aurait fallu punir un honnête homme qui aurait dit à ses enfants « Imitons notre voisin, il a enclos son champ, les bêtes ne viendront plus le ravager ; son terrain deviendra plus fertile ; travaillons le nôtre comme il a travaillé le sien, il nous aidera et nous l’aiderons. Chaque famille cultivant son enclos, nous serons mieux nourris, plus sains, plus paisibles, moins malheureux. Nous tâcherons d’établir une justice distributive qui consolera notre pauvre espèce, et nous vaudrons mieux que les renards et les fouines à qui cet extravagant veut nous faire ressembler. »  
           
Ce discours ne serait-il pas plus sensé et plus honnête que celui du fou sauvage qui voulait détruire le verger du bonhomme ? 
         
Quelle est donc l’espèce de philosophie qui fait dire des choses que le sens commun réprouve du fond de la Chine jusqu’au Canada? N’est-ce pas celle d’un gueux qui voudrait que tous les riches fussent volés par les pauvres, afin de mieux établir l’union fraternelle entre les hommes?

 

 DOCUMENT 3 – JEAN-JACQUES ROUSSEAU / La nouvelle Héloïse (extrait) - 1761.

 

        L'erreur des prétendus gens de goût est de vouloir de l'art partout, et de n'être jamais contents que l'art ne paraisse ; au lieu que c'est à le cacher que consiste le véritable goût, surtout quand il est question des ouvrages de la nature. Que signifient ces allées droites, si sablées, qu'on trouve sans cesse, et ces étoiles, par lesquelles, bien loin d'étendre aux yeux la grandeur d'un parc, comme on l'imagine, on ne fait qu'en montrer maladroitement les bornes? Voit-on dans les bois du sable de rivière, ou le pied se repose-t-il plus doucement sur ce sable que sur la mousse ou la pelouse? La nature emploie-t-elle sans cesse l'équerre et la règle? Ont-ils peur qu'on ne la reconnaisse en quelque chose malgré leurs soins pour la défigurer? Enfin, n'est-il pas plaisant que, comme s'ils étaient déjà las de la promenade en la commençant, ils affectent de la faire en ligne droite pour arriver plus vite au terme? Ne dirait-on pas que, prenant le plus court chemin, ils font un voyage plutôt qu'une promenade, et se hâtent de sortir aussitôt qu'ils sont entrés?

        Que fera donc l'homme de goût qui vit pour vivre, qui sait jouir de lui-même, qui cherche les plaisirs vrais et simples, et qui veut se faire une promenade à la porte de sa maison ? Il la fera si commode et si agréable qu'il s'y puisse plaire à toutes les heures de la journée, et pourtant si simple et si naturelle qu'il semble n'avoir rien fait. Il rassemblera l'eau, la verdure, l'ombre et la fraîcheur ; car la nature aussi rassemble toutes ces choses. Il ne donnera à rien de la symétrie ; elle est ennemie de la nature et de la variété ; et toutes les allées d'un jardin ordinaire se ressemblent si fort qu'on croit être toujours dans la même : il élaguera le terrain pour s'y promener commodément, mais les deux côtés de ses allées ne seront point toujours exactement parallèles ; la direction n'en sera pas toujours en ligne droite, elle aura je ne sais quoi de vague comme la démarche d'un homme oisif qui erre en se promenant. Il ne s'inquiétera point de se percer au loin de belles perspectives : le goût des points de vue et des lointains vient du penchant qu'ont la plupart des hommes à ne se plaire qu'où ils ne sont pas ; ils sont toujours avides de ce qui est loin d'eux.

 

 

DOCUMENT 4 - Gravure anonyme du XVIII° siècle : Voltaire se disputant avec Rousseau.

 



Lequel des deux est Voltaire? Lequel est Rousseau? Vous le trouverez sans difficulté en consultant l'iconographie de ces deux sites internet :
 

http://tecfa.unige.ch/proj/rousseau/indexp.htm

http://humanities.uchicago.edu/homes/VSA/


 

  Bibliothèque Nationale