Marion Lemaire
Elève de seconde du Lycée Henri Matisse

 

 

 

HUGO DESSINATEUR

 

      Victor Hugo fut malgré lui un merveilleux dessinateur. Malgré lui, car il avait tendance à dénigrer cet aspect de son travail. Au début tout au moins, le dessin n'était pour lui qu'un divertissement. Il dit : "Ces griffonnages sont pour l'intimité et l'indulgence des amis proches (...) je ne dois pas sortir de mes pattes de mouches d'écrivain". Il nous a pourtant laissé dans ce domaine une œuvre complète s’étendant au delà de sa vocation littéraire. Au XX° siècle, son œuvre graphique étonnante, onirique, sera reconnue comme visionnaire, par les Surréalistes en particulier. Le poète Claude Roy a dit de lui qu'il était "le plus grand poète de son siècle, et un de ses plus grands dessinateurs".

 

LES DEBUTS D’UN DESSINATEUR NOVATEUR   

    Victor Hugo dessine depuis sa jeunesse ; écolier déjà il griffonnait sur ses cahiers. Plus tard, il s’amusa à faire des caricatures, notamment pour ses enfants.

Dentelle et spectres.

    Il travaillait sur des bouts de papier, dans les marges, les couvertures de livres, etc... et peignait avec du café, de la cire, tout ce qui lui tombait sous la main, parfois littéralement : empreintes de doigts. Victor Hugo ne se prend pas du tout au sérieux, du moins pas encore ...

    1843, sa fille Léopoldine meurt accidentellement. Hugo, très affecté, s'enferme dans un mutisme et cesse toute activité littéraire. C'est à partir de cet événement tragique que le dessin prend son essor : cela devient un moyen de dominer une période de silence. Victor Hugo s'épanouit à travers l'Art, il s'exprime en utilisant toutes sortes de matériaux : végétaux, pièces de monnaie, dentelles. Il innove avec des pliages, des pochoirs, des grattages ou des découpages qui étaient à cette époque des techniques complètement nouvelles.

   Victor Hugo avait malgré tout un penchant pour le travail à la plume et au lavis d'encre (un lavis est un dessin coloré avec une couleur délayée dans l'eau). Il utilise aussi pour ses lavis la gouache, le fusain et la sépia (matière colorante brune secrétée par un mollusque : la seiche).

   Voici un témoignage d'Hugo dans une lettre à Baudelaire du 29 avril 1860 : "J'ai fini par mêler dans mes dessins à la plume du crayon, du fusain, de la sépia, du charbon, de la suie et toutes sortes de mixtures bizarres qui arrivent à rendre à peu près ce que j'ai dans l'oeil et surtout dans l'esprit".

   L'un des principes d'Hugo était d'inventer une matière. Il aimait jouer avec les effets de noir et blanc, avec le procédé du clair-obscur. La nuit et les ténèbres, en rapport direct avec ses expériences des tables tournantes, sont très souvent présentes dans les peintures d'Hugo. Pour en référer, il se devait donc d'utiliser des encres brunes.

      La France finit par découvrir les dessins de Victor Hugo. L'éditeur Castel lui demanda de les publier (on a conservé une lettre de Hugo à ce personnage). Plusieurs de ses amis et confrères apprécièrent ses qualités. Plus tard, on considèrera Hugo comme "le précurseur de l'art moderne".

     

DESSINS, ECRITS ET VOYAGES ROMANTIQUES

   Son style de peinture est de la même nature que son oeuvre littéraire et confirme le goût pour le fantastique (les éclairs, les ombres), son attrait pour le moyen-âge (les châteaux médiévaux, les maisons gothiques), et pour la mer.

   Et ce n'est pas sans rapport avec ses nombreux voyages. Victor Hugo avait beaucoup apprécié son escale dans la vallée du Rhin et nombreuses sont les représentations de châteaux fantastiques découverts lors de ces voyages. Au cours de ses promenades pendant l'exil, Victor Hugo prenait de petits croquis (dolmens, marines, phares, cabanes...). Au retour, seul dans sa "cage de verre" (c'est ainsi qu'il appelait sa salle de travail de l'étage supérieur de Hauteville House), il retouchait ses dessins et retravaillait ses lavis. 

   Les dessins deviennent à leur tour source d'inspiration. Hugo est parfois parti d'un dessin pour débuter un récit. Parallèlement à certaines de ses peintures, il écrit La Légende des siècles, Les travailleurs de la mer, L'homme qui rit, Quatre vingt treize. Là encore, il apporte sa touche artistique puisqu'il en dessine lui-même les couvertures et quelques illustrations. 

   Dans ses portraits, chimères, fantômes, gargouilles, bêtes monstrueuses et les personnages de ses célèbres romans (Gavroche, Mess Lethierry...).

Ville et pont démantelé.

  Ses paysages sont toujours de style romantique : paysages orientaux, représentations de la mer, peinte en noir, ses terribles tourbillons jetés par des coups de plume (Les travailleurs de la mer est son roman le plus illustré), esquisses de vieux châteaux en ruines, de villes hérissées de tours, le tout dilué dans la brume. Georges Sand ne resta pas  indifférente à la sensibilité des paysages de Victor Hugo : "Le poète possède un oeil visionnaire, il voit les choses par un angle bizarre" : par exemple, les champignons.

 

UN ARTISTE ENGAGE

      En plus des nombreux paysages romantiques abordés précédemment, Victor Hugo réalise des dessins satiriques à travers lesquels se manifeste son combat constant pour le respect, la justice et les droits de l'homme.

   Dans ces tableaux réquisitoires il défend les femmes, les miséreux les opprimés et même les monstres.

Mais le plus connu de ses combats est son opposition à la peine de mort. Enfant, Victor Hugo assista, dans les Pyrénées à l'exécution de contrebandiers pendus pour avoir tenté de franchir un pont afin de s'échapper. En souvenir de ce pont, il représenta "El puente de los contrabandistas", un dessin lugubre. Il n'oublia jamais cet épisode. Désormais, il voulait "mettre aux bourreaux le nez dans leur ouvrage".

   Décapités et pendus hantent donc les dessins comme les écrits de Victor Hugo. On retrouve ce thème dans la peinture intitulée "Le pendu", ou "John Brown", un anti-esclavagiste américain exécuté, dont l'écrivain avait pris la défense.  

 

   Victor Hugo portait un regard assez critique sur ses propres dessins, il les trouvait en effet trop "sauvages" ... mais comme l'a affirmé Charles Baudelaire lors d'une exposition, les dessins de Victor Hugo débordent d'imagination, de variété, de spiritisme et de liberté. En 1881, Hugo lèguera plusieurs de ses créations à la Bibliothèque Nationale.