BEL-AMI
EXPOSE STRUCTURE
DOSSIER CRITIQUE

DOCUMENT 3 : GERARD DELAISEMENT (Profil, Hatier)

 

COMPOSITION DE BEL-AMI


CHRONOLOGIE ET STRUCTURE

Deux étapes inégalement distribuées dans le temps répondent à deux mouvements soulignant l'ascension de l'arriviste :

- une première étape (la première partie du roman) précise une succession de petites réussites significatives. Elle conduit Duroy, au long de huit chapitres et de huit mois, du triste sous-officier errant sur le boulevard au chef des Échos d'un grand journal, à l'habile chroniqueur déjà chargé de papiers politiques ;

- une seconde partie, en dix chapitres, accompagne, durant deux ans et demi, le héros vers la réussite absolue. Cette réussite s'impose, au rythme plus lent - logique oblige - d'événements de plus en plus importants.

Le rapport entre la durée de ces deux étapes traduit un relatif déséquilibre. Celui-ci s'explique sans peine par l'état d'esprit d'un personnage pressé puis conscient d'avoir à composer avec le temps avant de le brusquer de nouveau. Duroy commence par se faire une place dans le journal en ne négligeant aucune occasion d'assurer sa progression. Il faut tenir compte de la relative facilité de ses conquêtes féminines, de la chance et d'une audace que décuple sa soif d'arriver. Dans la seconde partie, Duroy, devenu Du Roy de Cantel, journaliste installé, prend le temps de saisir les occasions qui s'offrent à lui. L'homme d'expérience sait attendre le moment favorable, l'occasion qui lui fera gravir les plus hautes marches de la réussite, à son rythme.

De la même façon on peut découvrir, dans le tableau chronologique ci-contre, des séquences temporelles très inégales en durée. S'il est possible, le plus souvent, de dater les événements importants, certains chapitres s'y refusent.

Chap.

Indications temporelles

Durée

Nombre de pages

I.1.

28 juin 1880 un après-midi

18

I.2.

29 juin 1880 une soirée

16

I.3.

30 juin 1880 une journée

20

I.4.

juillet-août 1880 2 mois

17

I.5.

fin août/déc. 1880 3 mois et demi

43

I.6.

déc.1880/fin janv. 1881 un mois et demi

35

I.7.

février 1881 une journée

22

I.8.

fin février 1881 quelques jours

26

II.1.

avril 1881 -mai 1882 13 mois

26

II.2.

mi-mai, juin 1882 un mois et demi

17

II.3.

juillet 1882 plusieurs jours

24

II.4.

28 et 29 juillet 1882 deux journées

16

II.5.

l'automne/un jour J'oct. 1882 quelques jours en octobre

25

II.6.

automne 1882 temps indéterminé

10

II.7.

30 déc. 1882- 1° janv. 1883 trois journées

22

II.8.

fin mars/5-6 avril 1883 quelques jours

16

II.9.

juillet 1883 quelques jours

16

II.10

16 août - 20 oct. 1883 deux mois

13

Définir de manière trop minutieuse un calendrier aurait pu gêner la progression de l'histoire. D'où ces notations temporelles exactes ou moins exactes : " On était au 28 juin - (p. 29) ; " le lendemain - (p. 46); " Deux mois s'étaient écoulés - (p. 102) ; < Février touchait à sa fin " (p. 202), etc.

 

LES ÉTAPES DE L'ASCENSION  
         

       Si l'on mesure le chemin parcouru par Duroy, on est amené à conclure au caractère irrésistible d'une ascension : le 28 juin 1880, Georges Duroy, perdu dans la foule des promeneurs anonymes, marche sur le Boulevard sans un sou en poche ; le 20 octobre 1883, devenu baron Du Roy de Cantel, il se marie en grande pompe (p. 406 et suivantes), riche à millions, futur député, futur ministre. À ceux qui verraient quelque invraisemblance dans ce parcours, Maupassant a répondu : " C'est par les femmes seules qu'il arrive. [ ... ] Il traverse toutes les spécialités du journal sans s'arrêter, car il monte à la fortune sans s'attarder sur les marches " (Aux critiques de Bel-Ami, juin 1885).


          Les progrès sont significatifs : le 30 juin 1880, Duroy est engagé comme reporter bouche-trou à La Vie Française; en décembre, il est devenu chef des Echos; en avril 1881, il accède au poste de rédacteur en lieu et place de celui qui l'avait lancé ; en juin 1882, il ajoute à ses fonctions de chroniqueur-rédacteur celles de rédacteur politique et voit s'arrondir largement ses fins de mois ; à la fin de l'année, il se trouve en possession d'un bel héritage qu'il complète par un jeu de spéculations juteuses ; en avril 1883, il fait tomber le ministre qui avait voulu l'ignorer, sinon le tromper. Il épouse alors la fille du patron, chargé de gloire, de mérite, de toutes les fortunes.
          Un besoin - quasi forcené - d'aller de l'avant, toujours, s'exprime à chaque page, souligné par le héros lui-même ou par ceux qui l'aident à réaliser ses desseins. Tout est ici placé sous le signe du temps qui passe vite et, constamment, s'accélère : " Comme il serait fort, avec elle, et redoutable ! Comme il pourrait aller vite et loin, et sûrement " (1, 8, p. 219).

 

LE RYTHME DES SAISONS

Mais le temps ne reflète pas toujours la progression fulgurante de l'arriviste. Il est souvent vécu au rythme des saisons et de leurs influences complexes et contrastées.

Au début du roman, Duroy est tenaillé par - une soif chaude, une soif de soir d'été " (p. 31) qui lui fait paraître sa situation plus odieuse encore. Aux chapitres 7 et 8 de cette même partie, Duroy doit faire face à l'imprévu d'un duel absurde alors que le temps s'était remis au froid : il a peur de la mort et cette peur s'accompagne de ce - froid glacial - de l'hiver qui " lui mord [it] la chair de la tête aux pieds - (1, 7, p. 190). Le temps du mariage avec Mme Forestier est celui du printemps, " au commencement de mai " (p. 229) : le départ des nouveaux époux, dans l'allégresse commune, est placé sous l'heureuse complicité " d'un puissant soleil ". Pour le mariage du nouveau - baron " avec Suzanne, l'automne offre ses plus belles couleurs : " un jour clair d'automne " " un flot de soleil " inonde et accompagne la réussite absolue de l'arriviste (p. 407).

Le temps s'inscrit ici, au-delà des indications chiffrées, dans son écoulement poétique, ponctué par les influences saisonnières qui lui donnent, à chaque moment, une couleur différente, gaie, allègre ou triste suivant la situation.

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